Au procès de l’attaque du Thalys, le « chauffeur » désigné « par facilité »

« Je suis là parce qu’on m’avait sous la main. » Soupçonné d’être un des logisticiens des attentats du 13 novembre 2015 à Paris, Mohamed Bakkali s’est battu sur chaque détail vendredi devant la cour d’assises spéciale pour prouver qu’il n’avait pas été le « chauffeur » du tireur du Thalys.

A la barre, ce Belge de 33 ans, s’exprime bien, ne laisse rien passer, reprend ses interlocuteurs. De toute évidence, l’accusé connaît son dossier par cœur. « Vous pouvez regarder dans votre PV (procès-verbal) de 16 pages, à la page 15 », indique-t-il au président.

Crâne et barbe rasés court, chemise à carreaux, il reconnaît une pratique « orthodoxe » de l’islam, dit s’être « renseigné » sur le groupe Etat islamique (EI) en Syrie. « Mais ça ne m’obnubilait pas. » Pour le prouver, il a encore repris son dossier. « J’ai calculé le pourcentage » de documentation jihadiste « qu’on a retrouvé sur mon ordinateur », lance-t-il: « 0,2% ».

« On ne dit pas que c’est votre seul intérêt, mais vous aviez une attirance pour ces sujets », lui oppose le président.

« A hauteur de 0,2% », répond sans se démonter Mohamed Bakkali.

Il refuse de parler du dossier du 13-Novembre. La justice l’a accusé d’avoir loué des planques et convoyé des membres des commandos jihadistes, avant d’être plus tard aussi mis en cause pour l’attentat déjoué du Thalys en août 2015.

Le président rappelle ses fréquentations de l’époque. Il y a d’abord Ibrahim El Bakraoui, avec qui il jouait « à la Playstation » et qu’il a hébergé alors qu’il était en cavale. Puis son frère Khalid, pour qui il loue un appartement sous une fausse identité, pour « un projet de contrefaçon ». Les deux frères se sont fait exploser à Bruxelles en mars 2016.

 

 Téléphonie

 

Devant la cour d’assises de Paris, il est poursuivi pour avoir été le « chauffeur » d’Abdelhamid Abaaoud, le coordinateur de l’attaque du Thalys et de celles du 13-Novembre, et du tireur du train, Ayoub El Khazzani, dans l’ultime partie de leur voyage entre la Syrie et la Belgique.

A l’audience, sa photo de l’époque a été montrée et remontrée à ses coaccusés. Ils avaient décrit tour à tour le chauffeur comme « costaud », « à lunettes », « avec une tête de turc ». Ils ont assuré ne pas reconnaître Mohamed Bakkali, mais ont menti sur d’autres points.

Pour se défendre, Mohamed Bakkali reprend point par point les détails des relevés téléphoniques qui prouvent, selon les enquêteurs, qu’il est bien le chauffeur.

« Le dossier ne repose pas que sur la téléphonie », prévient le président. « Si! », s’exclament en chœur l’accusé et ses deux avocats.

La cour évoque des conversations retrouvées dans un ordinateur après les attentats de Bruxelles en 2016, entre le kamikaze Ibrahim El Bakraoui et un autre jihadiste. Ils discutent d’un plan pour sortir de prison Mohamed Bakkali et Mehdi Nemmouche, l’auteur de l’attentat du musée juif de Bruxelles en 2014.

« Kidnapper une ou deux têtes et demander en contrepartie la libération de certains frères tu vois? Et en priorité les frères qui ont travaillé (…), comme Nemmouche et Bakkali », évoquent-elles.

 

 « Délire »

 

« Je ne sais pas pourquoi », feint de s’étonner Mohamed Bakkali, confronté à ces éléments. Puis il commente. « Il faut être dans un délire pour penser que ce genre d’opération peut marcher ».

« Ça je vous confirme, ils sont dans un délire », le rejoint le président. Mais « on n’organise pas une opération de sauvetage pour la 5e, la 20e, la 30e roue du carrosse, c’est curieux », poursuit-il.

L’avocat général s’adresse alors à l’accusé. « Vous êtes extrêmement intelligent… », commence le magistrat.

L’accusé le coupe. « Ne me dites pas que je suis extrêmement intelligent, les experts psychiatres ont dit que j’étais au niveau de la moyenne », contredit-il. « Je n’ai rien à voir avec cette histoire et c’est normal que je me défende de manière virulente et que j’étudie mon dossier ».

Le président l’interroge enfin sur ses projets d’avenir. Ses coaccusés avaient parlé de fonder une famille, de trouver un métier. « Je ne peux pas avoir de projets concrets », répond Mohamed Bakkali. « C’est pas réaliste. On va attendre de voir ce procès et le suivant, combien de temps je vais passer en prison ».

Plaidoiries, réquisitoire et verdict sont attendus la semaine prochaine.

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