L’Afrique de l’Ouest veut toujours sa monnaie unique en 2020, mais ça sera dur
La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest a répété mardi sa volonté de créer une monnaie unique pour ses 15 pays dès 2020, mais le Nigeria, poids lourd de la zone, a exprimé sa réticence.
Le sommet a cependant proposé une piste pour contourner les gros problèmes de convergence économique et financière entre les Etats : "une approche graduelle privilégiant un démarrage avec les pays qui respectent les critères de convergence", selon le communiqué final du sommet lu par le ministre nigérien des Finances, Hassoumi Massoudou.
Créée en 1975, la Cédéao regroupe aujourd’hui 15 pays totalisant 300 millions d’habitants qui utilisent des monnaies différentes.
Huit de ces pays regroupant 155 millions d’habitants ont en commun le franc CFA, arrimé à l’euro, et sont rassemblés au sein de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uémoa): le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo.
Les économistes sont divisés sur les coûts et les bénéfices du franc CFA, à la fois garant de stabilité mais monnaie trop forte pour des pays aux économies fragiles. Certains plaident pour sa réforme, par exemple en l’arrimant à un panier de monnaie euro-dollar-yuan chinois.
Le communiqué final n’a pas fait état de cette question.
Chacun des sept autres pays de la Cédéao a sa propre monnaie: l’escudo pour le Cap-Vert, le dalasi pour la Gambie, le cédi pour le Ghana, le franc guinéen pour la Guinée, le dollar libérien pour le Liberia, le naira pour le Nigeria et le leone pour la Sierra Leone.
Ces monnaies ne sont pas convertibles entre elles, ce qui ne facilite pas les échanges.
Le président de la Commission de la Cédéao, Marcel De Souza, avait indiqué dès le début du sommet qu’il pensait impossible qu’une monnaie unique voit le jour en 2020, contrairement au programme prévu.
Malgré des "progrès sur la convergence macro-économique", "les résultats sont faibles": "nous ne pouvons pas aller en 2020 à la monnaie unique", a-t-il déclaré.
M. De Souza a dressé un bilan sévère. "La feuille de route" pour la monnaie unique "n’a pas été mise en oeuvre vigoureusement". "De 2012 à 2016, aucun de nos pays n’a pu respecter de manière continue les critères" du programme de convergence macro-économique".
"L’harmonisation des politiques monétaires" entre les huit monnaies de la Cédéao, qui devait précéder la monnaie unique, "n’est pas faite". Et "l’institut monétaire", prélude à une Banque centrale commune, n’a pas vu le jour, a-t-il noté.
Les chefs d’Etat ont néanmoins décidé de faire preuve de volontarisme politique, réaffirmant leur "engagement à la poursuite et l’accélération de la réalisation de l’agenda de l’intégration économique et monétaire", et demandant au comité ministériel de la Cédéao de "se réunir dans un délai de trois mois pour proposer une nouvelle feuille de route en vue d’accélérer la création de la monnaie unique en 2020", selon le communiqué final.
Le président nigérien Mahamadou Issoufou a suggéré la mise en "circulation à partir de 2020" d’une monnaie unique au sein des pays de la Cédeao "qui sont techniquement prêts", suivant le modèle européen avec l’euro. "L’adhésion" des autres Etats pourrait se faire "au fur et à mesure", a-t-il dit. Une proposition reprise dans le communiqué final.
Le Nigeria, poids lourd économique et démographique de la zone – avec environ les deux tiers de la population totale et du PIB de la Cédéao -, s’est nettement démarqué, exprimant sa réticence à l’égard d’une devise unique.
Dans un communiqué séparé, le président Muhammadu Buhari a invité ses pairs à "avancer avec prudence vers l’intégration", citant l’exemple des déboires de l’Union européenne avec l’euro.
Le président Buhari a pointé la persistance d’importantes disparités macro-économiques entre les pays de la Cédéao, et le manque de "préparation" des Etats pour aller vers une monnaie unique.
Un nouveau sommet des chefs d’Etat est programmé en févier 2018 à Accra. (afp)