Emmanuel Macron a procédé à cette signature comme un acte d’affirmation politique, avec une musique de fond narcissique sur l’air « j’ai promis et j’ai tenu parole ». Il est clair que si les deux manifestations organisées par la CGT les 12 et 22 septembre avait mobilisé plus de Français, il y aurait eu comme un mauvais goût, voire une faute politique en matière de communication à organiser de telles cérémonies de signature. Or il se trouve que sur le plan des images et des chiffres, les coléreux convaincus par le CGT de descendre dans la rue crier leur opposition étaient loin de faire le poids pour susciter une quelconque inquiétude aussi bien à l’Elysée qu’à Matignon. Et c’est grâce à cette situation favorable que l’on doit des mines réjouies des membres de gouvernement et des postures triomphalistes de leurs soutiens.
Sur la réforme du code de travail, Emmanuel Macron semble marcher sur du velours. En face de lui un front syndical divisé, morcelé, incapable de créer cette union sacrée dans la rue pour imposer au gouvernement de revoir sa copie ou de retirer son projet. En face de lui aussi une opposition affaiblie et des partis politiques minés de l’intérieur. Le Front national de Marine Le Pen vient de subir une amputation avec le départ de l’homme de sa
Dédiabolisation, Floriant Phillipot. Le parti des Républicains montre toutes les difficultés, toutes les réticences du monde à accepter qu’un Laurent Wauquiez, clivant par nature, sectaire par tempérament, puisse être cet homme du rassemblement et de la reconquête dont la droite a cruellement besoin. Le Parti socialiste vit une telle faillite de projet et de leadership qu’il a été obligé de vendre son siège historique Rue Solférino.
Il ne reste à s’opposer sérieusement à Emmanuel Macron que le leader de la France insoumise, Jean Luc Mélenchon. Polémiste talentueux, tribun hors pair, il a cette certitude d’avoir raté le coche de la présidentielle de si peu. Et il couve une amertume perceptible dans toutes ses déclarations et ses postures. Son grand échec est qu’il n’est pas parvenu à se débarrasser de cette radicalité qui fait si peur et qui fait dire aux Français que cet homme attachant par plusieurs côté ferait meilleur opposant que président. Ce qui équivaut une forme de castration politique pour un homme aussi dévoré par l’ambition du pouvoir et sa grande certitude d’y arriver.
Devant ce contexte syndical divisé et politique favorable, Emmanuel Macron n’a pas beaucoup d’inquiétudes à se faire. Et pourtant cette victoire à un arrière-goût rance qui fait peser sur cette grande séquence sociale un halo de risques, voire de possibles explosions. Si sur le plan national, Macron n’a pas grand-chose à craindre, sur le plan sectoriel, les niches de tensions s’additionnent dangereusement. Responsable de cet échec, une forme de psychorigidité du président de la république qui avait créé une tension inédite avec l’armée, une technocratie qualifiée par certains d’aveugle et qui était derrière la diminution de cinq euros de l’aide au logement ou de la fiscalisation de la prime pour les CRS qui se sont mis en arrêt maladie pour protester. Ce qui fait dire à de nombreux observateurs qu’Emmanuel Macron à un problème avec le régalien. L’armée et la police dont les missions cruciales sont la garantie de l’ordre publique et la lutte contre le terrorisme affichent une claire défiance sociale à l’égard de la gouvernance d’Emmanuel Macron.
Malgré cette rentrée relativement calme ou moins houleuse qu’annoncée, Emmanuel Macron n’est pas encore sorti de la zone à risque. La coagulation des frustrations sectorielles (routiers, agriculture, armée, police, fonctionnaires, étudiants, retraités) peut très bien remettre en cause cette Baraka qui a fait débuter sa gouvernance avec un front syndical affaibli par ses contradictions et des partis politiques groggy par leurs défaites.