« Risk », un portrait de Julian Assange sans concessions
Enigmatique champion d’un mouvement mondial pour la transparence et la démocratie, larbin de la Russie ou mégalomane en quête de célébrité, Julian Assange fait l’objet d’un portrait ambivalent dans un documentaire de la réalisatrice Laura Poitras.
Dans "Risk", Laura Poitras révèle une face plus sombre de celui qui s’est posé comme un Robin des bois de l’ère numérique, arrachant les secrets des puissants pour les servir aux masses, bruts et non expurgés.
Tourné pendant six années tumultueuses jusqu’à l’élection présidentielle américaine de 2016 qui a vu la victoire de Donald Trump, le documentaire plonge au plus près du premier cercle de Julian Assange.
"Ce n’est pas le film que je pensais faire. Je pensais pouvoir ignorer les contradictions, je pensais que cela ne faisait pas partie de l’histoire. J’ai eu tort. C’est toute l’histoire", dit Laura Poitras dans le film.
"Risk" doit sortir dans 36 salles américaines en mai, avant une première à la télévision cet été.
WikiLeaks, fondée par Assange en 2006, s’est spécialisé dans le piratage de documents classifiés qui ont fait la une des journaux dans le monde entier, défiant les services de renseignement.
Le codeur informatique de 45 ans est réfugié à l’ambassade d’Equateur à Londres depuis 2012, pour éviter d’être extradé en Suède. Il fait l’objet d’un mandat d’arrêt international pour des accusations d’agression sexuelle et de viol datant de 2010. Julian Assange nie en bloc.
Le portrait de Laura Poitras fait suite à son "Citizenfour" (2014), primé aux Oscars, sur Edward Snowden et ses révélations sur les pratiques de la NSA américaine.
L’aspect le plus remarquable de "Risk" réside peut-être dans la façon dont le documentaire met en lumière la misogynie sous-jacente du monde des hautes technologies, avec un Julian Assange décrivant les accusations d’agression sexuelle à son encontre comme le produit d’un complot féministe.
Julian Assange nie s’être fâché avec Laura Poitras, mais à travers les messages qu’elle lit devant la caméra, il apparaît de plus en plus distant avec elle, vexé par le fait qu’elle n’ait pas utilisé WikiLeaks pour publier les documents de Edward Snowden sur la NSA.
"Cela a créé, je pense, comme vous le voyez dans le film, une tension entre moi et Julian", a déclaré la réalisatrice de 53 ans lors d’une séance de questions après l’avant-première nord-américaine du documentaire au festival Art of the Real, à New York (nord-est des Etats-Unis), la semaine dernière.
WikiLeaks peut se targuer d’avoir fourni des informations précieuses sur la guerre contre le terrorisme et aidé à faire émerger le printemps arabe.
"Risk" souligne l’influence de WikiLeaks, l’intervention de Julian Assange dans l’élection présidentielle aux Etats-Unis, et ses liens présumés avec la Russie et des membres de l’équipe de campagne de Donald Trump.
En juillet, WikiLeaks a publié 20.000 emails piratés du parti démocrate, dont certains très préjudiciables à la campagne de la candidate démocrate Hillary Clinton.
En octobre, un mois avant le scrutin, ce sont des milliers d’emails du président de son équipe de campagne, John Podesta, qui étaient publiés par WikiLeaks, suscitant des éloges appuyés du candidat Donald Trump.
Julian Assange nie que la Russie ou tout autre Etat était derrière ces fuites.
En dépit de l’accent mis sur le monde brumeux de l’espionnage, "Risk" présente aussi des côtés plus légers, comme la participation hilarante de Lady Gaga rendant visite à Julian Assange.
Si Laura Poitras avait filmé quelques mois supplémentaires, elle aurait également pu intégrer à son documentaire la relation prêtée au fugitif avec l’actrice canadienne Pamela Anderson, qui lui aurait rendu plusieurs fois visite au cours des derniers mois.
L’ex-star d’"Alerte à Malibu", 49 ans, a regretté sur son site web "la focale étroite que Laura a choisi" dans son film.
Avec AFP