Brexit: la facture « salée » qui va envenimer les négociations
C’est un dossier explosif qui peut faire dérailler rapidement les négociations du Brexit: la facture que devra régler Londres en quittant l’Union européenne. Son montant est encore flou, mais Bruxelles promet qu’elle sera « salée ».
"Quand un pays quitte l’Union, il n’y a pas de punition, il n’y a pas de prix à payer pour partir, mais nous devons solder les comptes", a mis au point récemment le négociateur en chef de l’UE, le Français Michel Barnier, rappelant que Londres avait des "engagements" budgétaires à respecter.
Le principal correspond au "reste à liquider": l’expression désigne des engagements pris par le Royaume-Uni dans le cadre des budgets annuels de l’UE (le budget 2017 de l’Union est de près de 158 milliards d’euros), mais pas encore payés.
Plus délicat, l’UE voudrait que Londres honore aussi des engagements pas encore inscrits dans ces budgets annuels, mais promis pour ses "fonds structurels" (destinés notamment aux pays les plus pauvres de l’Union) ou d’autres programmes pluriannuels, de recherche par exemple. Ainsi que la part du Royaume-Uni dans des garanties de prêts accordés par l’UE.
La négociation comprendra également la question des retraites des fonctionnaires européens. "Il ne s’agit pas de la retraite des fonctionnaires britanniques, mais de la part du Royaume-Uni dans les retraites de tous les fonctionnaires de l’UE", explique une source diplomatique.
Pas de chiffre officiel
Aucun chiffre officiel n’a été publié, mais selon un haut responsable européen, la Commission a évalué entre 55 et 60 milliards d’euros le montant que Londres devra verser pour honorer l’ensemble de ses engagements. "C’est autour de ça", a confirmé il y a quelques jours le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, "mais nous devons calculer scientifiquement".
La négociation ne devrait cependant pas commencer par une bataille de chiffres, assure une source bruxelloise proche du dossier, mais par une mise au point sur "des principes et une méthodologie" que les deux parties tenteront d’adopter de manière consensuelle.
Si elles y parviennent, elles pourront avancer sur les deux autres dossiers jugés urgents par Bruxelles – la question de la frontière nord-irlandaise et celle des droits des ressortissants britanniques dans l’UE et des Européens au Royaume-Uni – puis ouvrir tous les autres, sans avoir nécessairement bouclé les détails de la facture.
Selon une commission de la chambre des Lords britanniques, le Royaume-Uni pourrait légalement quitter l’UE sans régler de facture de départ, au risque de compromettre tous les autres aspects de la négociation. Mais "nous sommes une nation qui honore ses obligations", a affirmé le ministre britannique des Finances Philip Hammond.
Brexit, choc pour le budget UE
Pour faire baisser la note, les Britanniques devraient faire valoir qu’une partie des biens de l’UE leur appartiennent, comme les bâtiments des institutions.
"Quand tu quittes un club de golf, tu ne demandes pas une partie de la valeur du bâtiment, ce n’est pas comme ça que ça fonctionne", prévient toutefois un diplomate.
Du côté de Bruxelles, les choses sont claires: "Si on n’a pas d’accord sur l’+exit bill+ (la facture à régler), on n’a pas d’accord de sortie du tout", assure un haut responsable européen.
Le Royaume-Uni "a en moyenne une participation de 14%" dans les budgets et programmes européens, a estimé Michel Barnier. Il fait partie des "contributeurs nets" au budget de l’UE, ce qui signifie qu’il donne chaque année davantage qu’il ne reçoit.
Selon une étude récente de l’Institut Jacques Delors, le Brexit sera donc un "choc" pour le budget européen. Il provoquera, selon cette étude, un déficit "de 5 à 17 milliards d’euros par an", en fonction des choix que feront les 27 (augmenter leurs contributions, réduire leurs dépenses, ou combiner les deux), augurant d’un "marchandage difficile" entre eux.
(Source AFP)