L’irrésistible ascension de Aziz Akhennouch

La composition du nouveau gouvernement reçu hier par le Roi Mohammed VI est sans doute l’un des secrets les mieux gardés de ces dernières années. Aziz Akhannouch a voulu rompre, en tant que chef de gouvernement avec les pratiques de ses prédécesseurs du Parti de la Justice et du Développement, prompts à organiser des fuites sur les noms retenus, les profils rédhibitoires ou les tractations avec les formations politiques.

Pour garantir que rien ne filtre, le président du Rassemblement National des Indépendants (RNI) se rendait seul aux rencontres avec les formations politiques, pendant toute la durée des négociations.
Si le Parti Authenticité et Modernité (PJD) ou les cadres de l’Istiqlal étaient plus disponibles pour les journalistes qui cherchaient à vérifier leurs informations, ceux du RNI ont reçu les instructions d’Aziz Akhannouch pour ne pas alimenter les spéculations qui ont entouré la liste des ministrables.

Jusqu’à ce que la nouvelle équipe gouvernementale ne soit officiellement reçue par le souverain, peu d’observateurs pouvaient prétendre être « surs » de la bonne liste des profils retenus. Fort de cette première réussite, Aziz Akhannouch imprime son style et tourne une page sur la gestion ubuesque par les islamistes de ces séquences politiques pourtant solennelles qui s’étaient transformées en véritables spectacles de rue.
Aussi bien Saad Eddine El Otmani que son rival Abdelilah Benkirane, doivent en assumer la responsabilité et tirer les leçons de l’impact de leurs manquements et de leurs prises de position sur la crédibilité du PJD.

Quand Benkirane « fait campagne » contre Akhannouch

Abdelilah Benkirane, en tout premier lieu, a réussi le tour de force, au rythme de ses sorties médiatiques, d’escamoter le peu de crédit qui restait encore à la formation politique islamiste la précipitant vers la sortie et, dans le même temps, de contribuer à assoir l’image politique de Aziz Akhannouch.
En réalité, le nouveau chef de gouvernement doit beaucoup à l’ancien secrétaire général du PJP. Il lui a offert une véritable campagne de communication inédite, ne manquant aucune occasion, depuis qu’il a été remercié en mars 2017, de parler de lui.
deux jours avant la fin de la campagne électorale, Abdelilah Benkirane intervenait encore sur sa page Facebook pour dire « tout le bien » qu’il pense du président du RNI : « il n’a ni culture, ni idéologie, ni passé historique, ni parti politique», vociférait l’ancien chef du gouvernement qui s’est placé dans la posture d’un véritable « gourou » du parti islamiste depuis qu’il a dû céder sa place à Saad Eddine El otmani.
Depuis 4 ans, chacune de ses prises de parole à été transformée en véritable procès du patron du parti de la Colombe. Ainsi, en février 2018 face à la direction du PJD, l’ancien SG du PJD s’interroge dans un humour lourd sur la «voyante» qui aurait prédit à Aziz Akhennouch une victoire électorale en 2021.

Les calomnies de Benkirane contribue à renforcer le nouveau chef de gouvernement

Quelques mois plus tard, en novembre 2018, Abdelilah Benkirane revient à la charge dans une déclaration filmée pour donner son avis sur la situation du Maroc et affirmer que «le Roi est mécontent». L’occasion également pour critiquer les dirigeants de son parti mais surtout d’affirmer qu’Aziz Akhannouch «n’est pas fait pour la politique».

En 2019, après une déclaration d’Aziz Akhannouch,le samedi 23 février depuis Dakhla, Benkirane monte à nouveau au créneau. Le leader du RNI n’avait pas fait dans la dentelle pour affirmer que tout ce qui a été entrepris sur le registre social ces dernières années au Maroc était le fruit de l’engagement personnel du Roi.
Celui qui est devenu un partisan des Facebook live pendant le week-end n’a pas pu s’empêcher de consacrer une longue réponse au président du RNI.

« Puisque le Roi fait tout, à quoi servez-vous ?», s’est demandé l’ancien Chef de gouvernement qui s’est empressé d’ajouter que si « Akhannouch est nommé chef de gouvernement, il ne va rien faire . »
A force de médire, critiquer, baragouiner, vociférer, jaser, s’égosiller, jacter, gueuler et calomnier le patron du RNI, Abdelilah Benkirane a contribué à la transformation de l’image politique de l’homme d’affaires, devenu ministre le 15 octobre 2007 et chef de parti politique en 2016.

Il a dopé la combativité de l’homme d’affaires, habile négociateur mais peu habitué au pugilat.

Abdelilah Benkirane en est-il seulement conscient ? « Le déni qui est le sien et tel qu’il n’admettra jamais que son acharnement contre Akhannouch a participé à en faire un véritable adversaire politique pour le PJD », déplore un ancien ministre islamiste contacté par AtlasInfo.fr.
Aucun coup bas n’a été épargné au nouvel occupant du siège de chef de gouvernement. « Si la campagne de boycott qui avait concerné des produits du groupe Akwa dont il est propriétaire n’a pas entamé sa détermination à poursuivre son ascension politique, alors il faut admettre qu’il a le cœur bien accroché, » poursuit notre interlocuteur du Parti de la Justice et du Développement. En 2018, un appel à boycotter les marques Afriquia (Akwa), Danone et Sidi Ali (Eaux minérales Oulmés) avait été lancé et instrumentalisé dans les réseaux sociaux. Les islamistes du PJD et du mouvement radical interdit mais toléré Al Adl Wal Ihssane sont soupçonnés d’être les instigateurs de cet appel au boycott auquel Abdelilah Benkirane pourrait ne pas être étranger.
Force est de constater qu’il n’a pas vu venir l’homme d’affaires, plus encore : il l’a sous- estimé.
Lorsqu’Aziz Akhannouch s’oppose au chef du gouvernement désigné Abdelilah Benkirane chargé de former un gouvernement à l’issue du scrutin législatif de 2016, l’ex secrétaire général du PJD méjuge la force de caractère et le sens politique du patron du RNI. Cela le mènera à une impasse politique inédite au Maroc et à être démis de ses fonctions pour être remplacé par le numéro 2 du parti islamiste, Saad Eddine El Othmani.
Les marocains qui suivent depuis plusieurs années l’irrésistible ascension de l’enfant de Tafraout aiment les success stories. Moins influençables que ne l’aurait sans doute souhaité Abdelilah Benkirane, ils ont fait le choix de faire confiance à Aziz Akhannouch, fatigués d’entendre les supputations du « gourou » du PJD.

 

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Ce site Web utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que vous êtes d'accord avec cela, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. J'accepte Lire la suite