Dans ces locaux ultramodernes, au sein de l’hôpital de La Timone, tout le monde est accueilli. Pas question d’appliquer les consignes nationales réservant ces tests aux personnels médicaux et aux personnes fragiles.
Certains sont là depuis 07H00 du matin, comme ce quadragénaire de Marseille venu « pour être tranquille » après que l’IHU a annoncé dimanche qu’il assurait le dépistage des personnes « fébriles », à rebours des choix faits par les autorités françaises.
« Pour le test c’est très rapide, une touillette dans le nez et c’est fini! On sera contacté dans 48 heures par téléphone si on est positif »: Gilbert Salomone, 49 ans, vient de se faire dépister, avec sa femme et sa fille. Et il ne lui reste plus qu’à attendre le verdict, même s’il reconnaît qu’il « n’était pas inquiet »: « J’avais quelques maux de tête légers, rien de plus ».
Comme lui, la plupart des gens venus attendre, dans le silence, sont masqués. En milieu de matinée, ils étaient environ 300, selon un journaliste de l’AFP.
La plupart ne semblent pas présenter de signes graves. A la différence de ce septuagénaire qui s’effondre soudain, avant d’être secouru puis transporté à l’intérieur du bâtiment sur un fauteuil roulant.
Aux grilles du bâtiment, une banderole a été accrochée par un anonyme, rendant notamment « hommage au dr Razafindranazy », premier médecin décédé de ce nouveau coronavirus, proclamant aussi son soutien au professeur Raoult.
Didier Raoult, directeur de l’IHU Méditerranée Infection, s’est depuis plusieurs semaines déjà, prononcé en faveur d’une politique massive de tests. Et il défend son pari de lutter contre le Covid-19 avec la chloroquine, désormais vantée aussi par le président américain Trump.
Fin février, via une vidéo, il avait annoncé la « fin de partie » contre le nouveau coronavirus: la chloroquine, une banale molécule utilisée contre le paludisme, serait l’arme principale pour l’annihiler. Des tests cliniques en Chine menés sous la direction du professeur Zhong Nanshan auraient confirmé les tests in vitro effectués auparavant.
Les critiques ont afflué, notamment de FakeMed, un collectif de scientifiques en lutte contre les fausses informations dans le domaine de la santé, et de professeurs mettant en garde contre les effets indésirables de ce médicament.
« Une vidéo m’accusant de diffuser des +Fake News+ a été vue 450.000 fois sur Facebook, mais ça m’a fait une publicité considérable, qu’ils continuent à dire des horreurs comme ça », se gaussait-il mi-mars. Sur 24 patients traités à l’IHU Méditerranée Infection avec de l’hydroxychloroquine, 75% présentent une charge virale négative au bout de six jours, affirmait-il. En clair: le virus a disparu, le patient n’est plus contagieux.
Dimanche, il a récidivé, dans un communiqué cosigné avec cinq professeurs et médecins de cet institut : « Conformément au serment d’Hippocrate que nous avons prêté, (…) nous avons décidé, pour tous les malades fébriles qui viennent nous consulter, de pratiquer les tests pour le diagnostic d’infection à Covid-19 ».
Talia Abad, 20 ans, n’a pas de fièvre mais vient pour se rassurer et pour « protéger (sa) famille »: « Je n’ai pas de symptômes flagrants, mais j’ai entendu dire qu’il y avait beaucoup plus de cas qu’on le pensait », explique-t-elle. Bonnet sur la tête, masque sur le visage, elle est arrivée à 07H30 et elle attendait encore son tour vers 10H00 du matin.
Derrière elle, des dizaines d’autres personnes sont arrivées. La file s’étire le long du boulevard qui longe La Timone. Les distances de sécurité sont globalement respectées. Et le calme règne, parfois percé par quelques éclats de voix, comme quand un homme tente de tricher et de s’incruster dans la file, en expliquant que sa femme est enceinte.
« Il est fou ce Raoult, tous ces gens devraient être chez eux!, grommelle de son côté un médecin sortant de la Timone après une longue nuit de service.