Sur la foi d’une expertise informatique, Alain de Pouzilhac a aussitôt prononcé sa mise à pied. Après la plainte contre X déposée le 7 octobre, d’autres plaintes, cette fois nominales, vont être déposées en fin de semaine, tant la quantité de documents confidentiels retrouvés sur le disque dur de la collaboratrice d’Ockrent démontre l’ampleur de l’intrusion informatique. Le disque dur de la "responsable des coordinations" contenait, par exemple, les détails de la masse salariale de l’AEF, la copie scannée du passeport d’Alain de Pouzilhac (!), des notes, classées "confidentiel", de Frank Melloul, le directeur de la stratégie, adressées à Pouzilhac, le contrat de travail de Bruno Tézenas, le directeur des technologies de France 24… Au total, il s’agit de plus de 2,5 millions de fichiers, dont certains remontent au 19 novembre 2008…
Article dans le Canard
L’espionnage pourrait dater de la création de l’AEF. "C’est du pénal, je porte plainte", déclare Frank Melloul, choqué par le fait que ses déplacements à l’étranger étaient pistés par Candice Marchal… Alain de Pouzilhac ne se serait rendu compte de rien si la parution, fin septembre, d’un article du Canard enchaîné n’avait attiré son attention. La coupure de presse en question faisait état d’un courriel de Thierry Delphin, directeur financier de l’AEF, datant du 2 septembre, dans lequel celui-ci informait les deux contrôleurs d’État d’une "impasse budgétaire significative" pour 2011. Toutefois, l’article comportait suffisamment d’approximations pour brouiller les pistes et ménager Ockrent, dont la gestion très contestée de France24 a pourtant conduit à un déficit de 1,1 million d’euros cette année…
En reprenant les rênes l’été dernier, Pouzilhac avait découvert l’embauche non budgétée de 30 collaborateurs francophones. "Poupou" aurait bien voulu se séparer d’Ockrent, mais, début septembre, le pouvoir s’y est opposé. On ne licencie pas la compagne du ministre des Affaires étrangères. C’est donc Vincent Giret, le bras droit d’Ockrent, qui paiera les pots cassés avec un licenciement pour faute…
Trois disques durs écrasés
Le 6 octobre, rendu soupçonneux par le climat général et l’article du Canard, Pouzilhac demande à l’informatique de vérifier si quelqu’un s’est introduit dans les serveurs de l’AEF. Surprise : il découvre qu’un prestataire informatique, Thibault de Robert, chargé de la sécurité des réseaux, a stocké des données sur un espace virtuel extérieur à l’entreprise. C’est illégal. Pouzilhac avertit l’Élysée et Matignon de son intention de porter plainte contre X. Il obtient un feu vert, sans se douter que l’enquête va mener au coeur de son organisation…
La plainte est déposée le 7 octobre. L’enquête est confiée à la brigade d’enquête sur les fraudes aux technologies de l’information. L’AEF mandate, de son côté, le cabinet Forensic & Legal Services afin de procéder aux constatations. Premier enseignement : Candice Marchal a bénéficié de la complicité du prestataire informatique. Thibault de Robert lui a donné les codes des serveurs de l’AEF. Or, le recrutement de ce prestataire a été recommandé par… Christine Ockrent. Ses états de service ? Il a travaillé longtemps pour le compte de BK Conseil, la société de conseil de Bernard Kouchner. L’homme a mis plusieurs semaines à restituer le matériel informatique de l’AEF. En bon professionnel, il ne laisse rien au hasard. L’analyse de Forensic, authentifiée par un constat d’huissier, démontre que les données des trois disques durs ont été écrasées grâce à l’utilisation d’un programme spécifique, puis ceux-ci reformatés le 29 octobre. La dernière utilisation remonte au… 2 septembre à 19 h 7. Jour de l’interception du courriel de Thierry Delphin. À la police, maintenant, d’entendre les protagonistes. Sauf instruction contraire.