Le film qui va relancer l’affaire Omar Raddad

Un film sur l’affaire Omar Raddad… C’est le pari de Roschdy Zem. Pour son deuxième long-métrage comme réalisateur (après Mauvaise Foi), l’acteur s’attaque à l’affaire judiciaire la plus retentissante de ces vingt dernières années. Le tournage qui a débuté le 3 mai dans le Sud de la France est quasiment bouclé. Au casting, Sami Bouajila dans le rôle d’Omar, Denis Podalydès dans le rôle de Jean-Marie Rouart et Maurice Bénichou dans le rôle de Maître Vergès… La sortie est prévue pour 2011.

L’affaire passionne les Français et des centaines de chroniqueurs judiciaires depuis presque vingt ans. Jamais le voile n’a été totalement levé sur cette histoire complexe. Le 24 juin 1991, Ghislaine Marchal, riche veuve d’un équipementier automobile, est retrouvée sans vie dans sa villa La Chamade sur les hauteurs de Mougins (Alpes-Maritimes). Mortellement blessée à l’arme blanche et battue à coups de poutre, la victime aurait agonisé une vingtaine de minutes. Sur la porte de la chaufferie, les gendarmes découvrent l’inscription mal orthographiée, devenue célèbre: "Omar m’a tuer".

L’enquête de voisinage aboutit en quelques heures au suspect idéal, Omar Raddad, le jardinier marocain illettré, au service de Mme Marchal depuis 1985. L’homme, condamné le 2 février 1994 par la cour d’assises des Alpes-Maritimes à dixhuit ans de réclusion criminelle, libéré en 1998 après une grâce partielle accordée par Jacques Chirac, ne cesse de clamer son innocence. En vain…

Une femme riche assassinée au terme d’un crime d’une rare violence, une inscription en lettres de sang qui semble désigner un coupable trop parfait, des témoins occultés, des soupçons de complot judiciaire… l’affaire Raddad concentre tous les ingrédients d’un vrai polar. Ce qui n’a pas échappé à Roschdy Zem, qui s’est lancé dans la réalisation d’un film sur cette histoire avec un titre tout trouvé: "Omar m’a tuer".

Gracié mais toujours coupable

Produit par Jean Bréhat et Rachid Bouchareb (Indigènes, Hors-la-loi), le film bénéficie d’un casting prestigieux : Sami Bouajila dans le rôle d’Omar Raddad, Maurice Bénichou dans celui de l’avocat Jacques Vergès et Denis Podalydès en Jean-Marie Rouart, académicien et auteur en 1994 d’une contre-enquête (Omar. La Construction d’un coupable).

Omar Raddad a reçu le JDD chez lui, à Toulon, pour une interview exclusive, la première accordée à la presse depuis 2008. S’il prend la parole aujourd’hui, c’est pour éviter que son histoire tombe dans l’oubli. Et laver son honneur. Gracié mais toujours coupable aux yeux de la justice, il réclame sa réhabilitation. A cette fin, il se bat pour obtenir l’ouverture d’un nouveau procès, sur la base des deux empreintes génétiques retrouvées sur la scène du crime. En 2001, des analyses avaient révélé que l’ADN n’était pas celui de Raddad. Aujourd’hui, avec son avocate, Me Sylvie Noachovitch, il réclame la confrontation des empreintes avec celles du Fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG). La balle est dans le camp de la garde des Sceaux, Michèle Alliot-Marie. Elle seule peut autoriser l’ouverture d’une information judiciaire pour permettre cette expertise. Et peut-être trouver un épilogue à l’affaire Omar Raddad.

Roschdy Zem: "Il a fait sept ans de prisons sans preuves"

ENCADRE:

Deuxième arrondissement de Paris, une salle de montage au quatrième étage d’un immeuble. C’est là que Roschdy Zem achève le montage de son second long-métrage Omar m’a tuer dont la sortie est prévue en 2011. En exclusivité, l’acteur cinéaste nous a montré plusieurs scènes du film dont celle d’ouverture: nous sommes pendant le procès, un traducteur explique ce qui se passe à Omar Raddad. Le président s’énerve, accuse le jardinier de faire semblant de ne rien comprendre et finit par lui lancer une phrase en arabe. Des mots qui ne laissent pas de doute sur les a priori du tribunal dans un dossier où il ne fait pas bon être maghrébin en région Paca.

Pour entrer dans la peau d’Omar Raddad, Sami Bouajila a perdu 16 kilos au prix d’un régime drastique. Maurice Bénichou incarne l’avocat Jacques Vergès et Denis Podalydès l’écrivain Jean-Marie Rouart. C’est son livre Omar. La Construction d’un coupable et celui de Raddad, Pourquoi moi? (Seuil), qui ont inspiré le scénario. Au départ, Roschdy Zem devait jouer le personnage et Rachid Bouchareb (Indigènes, Hors-la-loi) signer la réalisation. Mais Bouchareb se concentre sur d’autres projets.

"J’ai récupéré le film, dit Zem. Comme il était clair que je ne serais pas devant et derrière la caméra, on s’est tourné vers Sami. Il était un bien meilleur choix que moi." Comment se lance-t-on dans une telle entreprise? Qu’en pense la famille de la victime? Quelle thèse défend Roschdy Zem? Autant de questions qui se bousculent.

Rester objectif envers et contre tout

"Je me suis plongé dans l’affaire et j’ai découvert un nombre incroyable d’éléments qui auraient permis d’innocenter Omar et qui sont connus. Mais j’ai abordé le sujet en concevant qu’Omar pouvait être coupable. Je devais rester objectif envers et contre tout, m’en tenir aux éléments connus. En même temps, je devais croire en son innocence sans en faire un saint. Je montre d’ailleurs ses besoins d’argent, son penchant pour le jeu. Dans son livre, il se présente d’une façon un peu angélique. Je n’avais pas envie de ça. On a tous nos vices, cela ne fait pas de nous des coupables. Omar a fait sept ans de prison sans preuves."

Face aux nombreuses incertitudes du dossier, Roschdy Zem s’étonne de la résistance de la famille Marchal qui semble ne pas vouloir en savoir plus et a même menacé le cinéaste de poursuites judiciaires. "Elle refuse de se poser la question de la possible innocence d’Omar. Pourquoi? Car si ce n’est pas lui qui a tué, alors qui est-ce?" Le film ne cherche pas à y répondre. "Tout ce que j’avance est avéré. Et j’ai laissé de côté certaines pistes parallèles pour ne pas perdre le spectateur dans un dédale d’hypothèses. J’ai surtout voulu raconter la destinée tragique d’un jardinier marocain propulsé icône médiatique. Il ne savait ni lire ni écrire. Aujourd’hui, il connaît son Code pénal aussi bien que ses avocats."

Le tournage d’Omar m’a tuer est presque achevé. Qu’on ne s’y trompe pas, c’est d’abord un vrai film de cinéma. Sur les écrans de montage, une autre scène montre l’arrestation d’Omar Raddad, naïf accusé qui tend ses vêtements de travail à des policiers. Vêtements sur lesquels il ne sera trouvé aucune tache de sang quand la cave où fut tuée Ghislaine Marchal en était maculée. Un mystère parmi d’autres. Pourquoi Omar Raddad n’a-t-il pas crié son innocence dès le début? "Il n’a pas compris ce qui se passait. Au tribunal, au moment du verdict, il se lève et part sans rien dire. Il pense que tout va s’arranger, poursuit Roschdy Zem. Aujourd’hui si le doute est permis, c’est que l’enquête a été mal menée. Cela ne profite à personne. Mais je sais qu’avec ce film, on m’attend au tournant."

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