La méthode Sarkozy à l’épreuve des banlieues
De plus en plus d’élus et d’acteurs des banlieues françaises réclament le retour d’une police de proximité, le modèle créé par Nicolas Sarkozy ayant selon eux montré ses limites.
"Mais le volet répression a atteint ses limites", met en garde Yannick Danio, porte-parole du syndicat SGP-Unité police.
Des élus critiquent aussi une police axée sur la répression, désertant les quartiers où l’on a besoin d’eux et se terrant dans leurs locaux ou leurs véhicules.
Ils évoquent des commissariats transformés en bunkers, d’autres insalubres ou encore des antennes de police vides.
Et beaucoup reprochent à Brice Hortefeux d’avoir définitivement enterré la police de proximité que Michèle Alliot-Marie, son prédécesseur au ministère de l’Intérieur, avait tenté de rétablir discrètement.
Le ministre de l’Intérieur reste en cela fidèle à Nicolas Sarkozy qui, face à la persistance des violences, promet de multiplier les opérations coup-de-poing et de développer la vidéoprotection et les polices municipales.
"Nicolas Sarkozy, c’est plus de technologie et moins de présence humaine", déplore Michel Bourgain, maire écologiste de l’Ile-Saint-Denis en évoquant la baisse des effectifs décidée par le gouvernement.
Partagés sur la question, les syndicats de police se demandent si le moment est vraiment venu de rétablir une "police à pied", proche de la population, dans des zones qualifiées par les fonctionnaires de "cités coupe-gorge".
"AU CASSE-PIPE""
"Le mot police de proximité n’est pas un gros mot", dit Loïc Lecouplier, responsable du syndicat Alliance dans le département, rappelant que le concept a été créé par un ministre de droite, Charles Pasqua, avant d’être développé par le socialiste Jean-Pierre Chevènement.
Mais aujourd’hui, dit-il à Reuters, il "serait suicidaire de réintroduire la police de proximité avec peu de moyens, ce serait envoyer nos collègues au casse-pipe."
A en croire Brice Hortefeux, 500 bandes, "soit 5.000 individus" en France, suffisent à entretenir un climat de tension permanente dans les cités.
Les policiers affirment tous qu’un grand nombre de cités sensibles sont aux mains de petits caïds qui font régner une loi de la jungle, qui pourrissent la vie des habitants et accessoirement des forces de l’ordre. Les exemples de provocations, insultes et menaces abondent.
Pourtant, au sein de la société civile, de nombreuses voix s’élèvent pour critiquer le comportement de policiers soumis à la "politique du chiffre", multipliant les gardes à vue et stigmatisant les jeunes.
LE PLAN BANLIEUES CRITIQUÉ
Au point que le ministre de l’Intérieur a dû organiser l’an dernier, en plein mois d’août, une table ronde pour tenter de recréer un lien entre la police et la jeunesse.
"La police agit en réaction, elle dépêche les CRS en bas des tours, en cas de problème, mais elle ne connait plus la population", observait récemment Daniel Goldberg, député PS de la Courneuve, une cité difficile, dans l’hebdomadaire Marianne.
La seule police de proximité semble être la police municipale, quand il y en a une. Une situation que désapprouvent la plupart des syndicats de police.
"On ne peut pas envisager, comme c’est aujourd’hui prévu, que demain la sécurité publique soit aux mains des polices municipales", assure Yannick Danio, de SGP-Unité police.
Un officier de police qui a requis l’anonymat insiste sur le manque de moyens là où il y en aurait le plus besoin.
"Trouvez-vous normal qu’il y ait autant d’effectifs dans la paisible ville de Boulogne qu’à Epinay-sur-Seine ?", demande-t-il.
Depuis les émeutes de 2005, qui ont placé le problème des banlieues au premier plan, "on n’a pas vu beaucoup de changements", ajoute-t-il.
Des sociologues considèrent de leur côté que la question première est bien celle de la stratégie gouvernementale, qui peut être difficilement dissociée de la politique de la Ville. Or, le plan promis par Nicolas Sarkozy en faveur des quartiers défavorisés en 2007 semble avoir accouché d’une souris.