D’aucuns noteront que l’adoption de la Loi fondamentale, intervenue dans le sillage du "Printemps arabe" et ses implications parfois dramatiques sous d’autres cieux, a magistralement consacré le modèle marocain en matière de transition démocratique.
Il aura fallu trente-cinq jours au chef de gouvernement Abdelilah Benkirane, leader du Parti justice et développement (PJD), pour ficeler un exécutif quadripartite moins pléthorique avec le PI, le MP et le PPS (31 au total, contre 35 pour le cabinet sortant).
C’est déjà un premier défi que ce cabinet semble avoir relevé haut la main sur fond d’appels récurrents à la moralisation et à la rationalisation de la gestion de la chose publique, aux cô tés du rajeunissement et du renouvellement de l’exécutif, avec l’arrivée de 24 ministres, qui font pour la première fois leur baptême de feu aux commandes.
Petit bémol pourtant : le présent gouvernement ne compte dans ses rangs qu’une seule femme.
S’il est encore prématuré d’épiloguer sur les priorités, en attendant la déclaration gouvernementale, l’on sait déjà que le chef du parti de la Lampe, vainqueur des élections du 25 novembre (107 sièges sur 395 de la Chambre des représentants), a fait de cinq secteurs le cheval de bataille de son mandat.
M. Benkirane s’est fait l’apôtre d’une "approche participative" pour faire de la justice, de l’enseignement, de l’emploi, du logement et de la santé des champs d’intervention prioritaires, d’autant qu’ils sont au cŒur des préoccupations des citoyens.
Certains observateurs s’interrogent d’emblée si avec 11 ministres, le PJD et ses alliés aura un dur labeur pour honorer des promesses électorales dans un contexte de turbulences régionales et d’incertitudes planétaires (crise de l’euro, récession).
L’on se rappelle que le PJD, épine dorsale de ce cabinet, claironnait un taux de croissance de 7 %, un déficit de 3 % ou 250 mille emplois annuels. Reste à savoir comment procéder pour résorber le chômage (9 %), un déficit budgétaire au-delà de 3,6 % du PIB ou un déficit commercial de plus de 166 milliards de DH, à fin novembre?
De quoi faire froncer les sourcils de certains, mais loin de décourager une équipe visiblement déterminée à redresser la barre: A l’épreuve, le projet de loi de finances 2012.
A bien des égards, le Parti de la Lampe doit assainir l’environnement de l’investissement, optimiser la bonne gouvernance, opérer une profonde refonte du système éducatif, combattre l’évasion fiscale, l’impunité et le népotisme, mettre un terme à l’économie de la rente, mais aussi et surtout instaurer le principe de la méritocratie.
Autant dire qu’avec tant de pain sur la planche, ce cabinet doit mettre les bouchées doubles sur le front législatif en premier lieu, pour se donner les moyens de ses ambitions en faisant adopter des projets de loi qui vont avec.
Pour ce faire, l’exécutif est tenu de composer avec une opposition prompte à tirer au moindre faux-pas, mais aussi de faire aboutir une batterie de lois organiques au Parlement, héritées de l’ancienne législature.
Qu’à cela ne tienne! Selon un sondage réalisé par l’institut LMS-CSA (du 2 au 5 décembre) auprès de mille personnes de 18 ans et plus, M. Benkirane, et partant son cabinet, seraient accrédités de la confiance de 82 % des Marocains.
Ce score, qui apparait certes comme une performance, révèle en filigrane le poids d’une lourde responsabilité tant elle est porteuse de challenges difficiles, mais pas impossibles à relever par les temps qui courent avec la grogne de la rue et les aléas de la conjoncture.