Cinq soldats syriens ont été tués par des "tirs d’artillerie" des forces turques, et un sixième a été "exécuté" par des rebelles syriens proturcs près du village d’Al-Assadiya, à moins de 10 km de la frontière, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH).
A plusieurs dizaines de km à l’est, une patrouille militaire de la Russie, alliée du régime de Bachar al-Assad et qui déploie également des forces dans la zone, a été touchée par un tir d’obus turc, selon les médias étatiques à Damas.
Il s’agit, d’après l’ONG, des premiers combats entre soldats turcs et syriens depuis que la Turquie a lancé le 9 octobre dans le nord de la Syrie une offensive militaire contre les forces kurdes syriennes.
Celles-ci ont ensuite appelé à l’aide le régime syrien avant d’être contraintes de se retirer de la zone frontalière.
Officiellement, l’offensive d’Ankara est à l’arrêt depuis un accord entre la Russie et la Turquie le 22 octobre mais les soldats turcs sont toujours présents dans le secteur et des accrochages sporadiques ont lieu.
Contactés par l’AFP sur les affrontements de mardi, les autorités turques n’ont pas donné suite dans l’immédiat.
Ces développements illustrent la complexité du conflit qui déchire la Syrie depuis 2011. La guerre ayant fait plus de 370.000 morts implique aujourd’hui de multiples belligérants et des puissances étrangères, avec des alliances en constante évolution.
– Patrouille russe cible d’un tir turc –
Après l’appel à l’aide des Kurdes, le pouvoir syrien a déployé des troupes dans des secteurs du nord qui lui échappaient depuis des années, et son armée se retrouve désormais à proximité de soldats turcs.
Par le passé, des affrontements ont opposé les forces du régime aux supplétifs syriens proturcs. Ces derniers, entraînés et financés par la Turquie, combattaient auparavant le régime de Bachar al-Assad.
Tout en excluant une guerre généralisée dans le nord syrien, des experts avaient reconnu que de tels affrontements pourraient avoir lieu.
Les militaires russes patrouillent eux aussi la zone frontalière turco-syrienne depuis le départ des forces kurdes.
Une patrouille de la police militaire russe au poste-frontière de Derbassiyé (nord-est) a été la cible d’un tir d’obus d’Ankara, selon l’agence officielle Sana, qui a dénoncé une "agression turque". Elle a fait état de six civils syriens blessés.
L’OSDH a confirmé l’incident, intervenu "par erreur" selon lui au moment où les militaires russes devaient rencontrer leurs homologues turcs pour discuter de patrouilles conjointes.
L’accord russo-turc avait prévu de telles patrouilles conjointes. Moscou doit aussi "faciliter le retrait" des forces kurdes et leur armement d’une bande d’une trentaine de km de profondeur le long de la frontière.
– Jihadistes –
Les forces kurdes ont éloigné ces derniers jours leur artillerie lourde et les blindés de plusieurs secteurs frontaliers.
Conformément au mémorandum russo-turc, la Turquie garde la haute main sur une autre région frontalière du nord-est longue de 120 km, dont elle a pris le contrôle au cours de son offensive.
Les forces kurdes ont maintes fois mis en garde contre une résurgence du groupe jihadiste Etat islamique (EI), qui profiterait du chaos sécuritaire provoqué par l’offensive de la Turquie.
Ces forces retiennent encore des milliers de jihadistes, notamment des Français et des Américains, dans plusieurs prisons à travers le nord-est syrien, ainsi que des milliers de femmes et d’enfants de jihadistes étrangers dans des camps de déplacés.
Avec l’offensive turque, les forces kurdes qui dominent le nord et le nord-est de la Syrie n’ont pas eu d’autres choix que d’amorcer un rapprochement inédit avec le régime.
Le retour du régime dans le Nord fait craindre aux Kurdes une perte de leur autonomie de facto, arrachée à la faveur du conflit.