Ce coup de théâtre a fait chuter les marchés européens, qui craignent que l’accord trouvé la semaine dernière à Bruxelles pour sauver la Grèce de la faillite ne soit d’ores et déjà compromis. Beaucoup redoutent qu’un "non" des électeurs grecs n’entraîne un défaut de paiement désordonné du pays et sa sortie de la zone euro.
Après les dures négociations de Bruxelles, l’annonce d’Athènes promet à nouveau des heures difficiles et un G-20 agité à Cannes. A deux jours de l’ouverture du sommet, son hô te, Nicolas Sarkozy a convoqué mardi une réunion des ministres français concernés sur le dossier grec.
Le président français et la chancelière Angela Merkel se sont déclarés "déterminées" à mettre pleinement en oeuvre l’accord de Bruxelles et réclament l’adoption rapide d’une "feuille de route" pour ce faire. Ils auront deux réunions mercredi à Cannes: l’une avec le Fonds monétaire international (FMI) et les institutions européennes, et l’autre avec les autorités grecques. M. Papandréou a parlé avec Mme Merkel au téléphone lundi.
Pour l’heure, la plupart des partenaires de la Grèce se sont abstenus de commentaires officiels. Mais certains ne cachaient pas leur incrédulité. "Je n’arrive vraiment pas à comprendre sur quoi la Grèce compte faire un référendum", a commenté le ministre suédois des Affaires étrangères Carl Bildt. "Est-ce qu’il y a vraiment le choix?"
Les marchés avaient du mal à encaisser le choc, particulièrement en Europe. La bourse d’Athènes a perdu 6,9%, les valeurs bancaires dégringolant de plus de 13%. A Paris, l’indice CAC-40 a terminé en baisse de 5,38% et à Francfort le DAX a cédé 5%, tandis qu’à Londres le FTSE-100 perdait 2,4%. A Wall Street, le Dow Jones reculait de 2,5% et le Standard & Poor’s 500 de 2,9%. L’euro est tombé à 1,37 dollar, tandis que l’Espagne et l’Italie, considérées comme les prochains maillons faibles de la zone euro, ont vu leur taux d’emprunt grimper sur les marchés obligataires.
Les nouvelles sur la santé du ministre grec des Finances Evangelos Venizelos, qui a dû se rendre dans la nuit dans une clinique en raison de douleurs à l’estomac, ont encore accentué les inquiétudes des marchés. Selon un de ses proches, il a été informé du référendum "en même temps que tous les Grecs".
Georges Papandréou a stupéfait ses concitoyens, ses partenaires de la zone euro et les investisseurs en annonçant lundi soir que les Grecs seraient consultés sur le second plan d’aide international. "Les citoyens seront appelés à dire un grand ‘oui’ ou un grand ‘non’ au nouvel accord de prêt", a déclaré le chef du gouvernement grec devant les parlementaires socialistes. Il n’a pas fixé de date pour la consultation, tout en évoquant "un acte suprême de démocratie et de patriotisme", et a réuni ses ministres mardi soir.
Le référendum, le premier organisé en Grèce depuis 1974, devrait avoir lieu début 2012 si le gouvernement Papandréou survit à un vote de confiance prévu à la fin de la semaine.
Or, la majorité du parti socialiste grec s’est encore réduite mardi après la défection d’une députée, Milena Apostolaki, qui a claqué la porte et rejoint les rangs des indépendants pour protester contre le référendum annoncé. Le PASOK ne compte plus que 152 sièges sur 300 au Parlement, une majorité de deux voix seulement. L’opposition accusait de son cô té Papandréou de chantage, promettant de bloquer le référendum par tous les moyens.
"Le pays est en danger immédiat de faillite", a estimé l’influente députée socialiste Vasso Papandréou, appelant à la démission du Premier ministre et à la formation d’un gouvernement intérimaire d’unité nationale pour mettre en oeuvre l’accord de Bruxelles avant la tenue d’élections.
L’annonce du Premier ministre grec a brutalement fait retomber l’optimisme qu’avait pu susciter l’accord trouvé jeudi dernier à Bruxelles. Après des semaines de tractations ardues, les dirigeants de la zone euro avaient fini par trouver un accord pour améliorer le second plan d’aide à la Grèce décidé en juillet dernier et déjà considéré comme insuffisant.
L’accord prévoit que les créanciers privés de la Grèce acceptent d’effacer la moitié de l’ardoise du pays, soit une perte de 100 milliards d’euros selon l’Institut de la finance internationale (IIF), pour lui permettre de ramener sa dette à 120% du produit intérieur brut (PIB) d’ici 2020 contre environ 180% sinon.
Pour tenter d’enrayer la crise de la zone euro, ses dirigeants avaient aussi décidé une recapitalisation des banques européennes et renforcé le Fonds européen de stabilité financière (FESF), le fonds de secours qui a déjà aidé la Grèce, le Portugal et l’Irlande.
Le référendum annoncé menace de remettre en cause cet accord. Si un "oui" viendrait lui donner plus de force et faciliter la résolution de la crise, un "non", loin d’être exclu, risquerait d’avoir de lourdes conséquences alors que la Grèce est partie vers une quatrième année de récession.
Accablés depuis un an et demi par les douloureuses mesures d’austérité imposées en échange de l’aide internationale, les électeurs grecs pourraient rejeter ce nouveau plan.
"Que se passe-t-il si la Grèce vote ‘non’, ce qui est possible compte tenu de l’impopularité apparente du plan de sauvetage parmi les électeurs grecs?", s’interrogeait Michael Hewson, analyste des marchés chez CMC Markets. Pour lui, les conséquences pourraient entraîner "un effondrement complet du système bancaire européen et faire basculer l’Europe dans les troubles".
Jeudi dernier, le président français Nicolas Sarkozy avait estimé que l’accord de Bruxelles avait permis d’"éviter la catastrophe". Sans accord, "ce n’est pas simplement l’Europe qui sombrait dans la catastrophe, c’est le monde entier", avait-il affirmé