Réunies au sein d’organisations, ces femmes ont entamé une intense campagne de lobbying auprès des partis politiques pour défendre les droits des femmes et notamment une loi de 1956 qui consacre l’égalité entre les hommes et les femmes en Tunisie.
Mercredi, elles étaient un demi-millier à manifester devant le siège du gouvernement à Tunis pour défendre leurs acquis, menacés selon elles par certains mouvements fondamentalistes musulmans. Elles ont été brièvement reçues par le Premier ministre par intérim, Béji Caïd Essebsi.
"Nous sommes ici pour dénoncer toutes les formes d’extrémisme et d’entraves aux libertés des femmes", a expliqué l’une des manifestantes, Madiha Bel Haj. "Nous voulons une constitution qui respecte les droits des femmes et ne revienne pas sur les acquis que nous avons obtenus."
En attendant, et malgré les promesses répétées des principaux partis politiques qui se sont engagés à ne pas rogner sur les droits des femmes, les organisations ne baissent pas la garde et restent vigilantes face à toute forme de dérive.
Plusieurs professeurs d’université ont ainsi observé jeudi une grève pour protester contre l’agression d’enseignantes par certains fondamentalistes qui les jugeaient trop peu vêtues.
CODE DU STATUT PERSONNEL
Au coeur des inquiétudes de ces militantes laïques, une éventuelle réforme du Code du statut personnel, une série de lois introduites par le père de l’indépendance, Habib Bourguiba, en 1956.
Ce code abolit notamment la polygamie et accorde aux femmes les mêmes droits que les hommes en cas de divorce et de mariage.
"Je suis venue ici pour soutenir l’idée que le Code du statut personnel et les droits de femmes devraient être inscrits dans la nouvelle constitution", a indiqué Mounira, lors de la manifestation de mercredi.
Face aux inquiétudes internationales et intérieures sur une domination de l’intégrisme islamiste, Ennahda et les autres partis politiques siégeant au sein de la nouvelle assemblée ont assuré que la défense des droits de l’homme serait renforcée dans la nouvelle constitution.
Mais certaines voix s’élèvent déjà parmi les laïcs pour s’inquiéter du nombre d’élues issues d’Ennahda.
Sur les 49 femmes siégeant dans la nouvelle assemblée constituante, 42 sont membres de la formation islamiste réputée modérée. Rachid Ghannouchi, qui a fondé Ennahda en 1989, assure que sa formation respecte la parité homme-femme plus que n’importe quel autre parti politique du pays.
"Le principe d’égalité est plus respecté à Ennahda que dans les partis laïques", a-t-il dit à Reuters. "Ces femmes (les élues d’Ennahda) vont se battre pour défendre leurs droits. Les femmes laïques ne monopoliseront pas la définition des droits des femmes."
Le voile islamique, qui a été interdit dans les écoles et les administrations publiques sous le régime de l’ancien président Zine ben Ali, est devenu le symbole de la forte divergence des points de vue entre femmes laïques et islamistes.
L’interdiction du voile a été levée depuis la révolution de janvier qui a chassé l’ancien président du pouvoir. Depuis, les Tunisiennes laïques réclament des garanties du pouvoir sur le fait que son port ne deviendra pas obligatoire. Les islamistes, elles, demandent à l’inverse à pouvoir continuer à le porter à tout moment.