Le G8 se propose de financer le printemps arabe
Signe que l’idée est médiatiquement séduisante, américains et français s’étaient livrés à une surenchère invisible, à une compétition froide autour de l’exploitation politique d’un tel projet. Tandis que Nicolas Sarkozy, préparant activement le somment de Deauville, avait lancé dans les tuyaux son idée de partenariat stratégique de longue durée entre le G8 et les pays arabes qui formulent des aspirations démocratiques, le président américain Barack Obama avait profité de son grand discours sur la politique américaine au Proche Orient pour dévoiler ce qui s’apparente à un gigantesque plan de financement de la transition démocratique dans le Monde arabe. Il profita de sa visite d’Etat à Londres pour bien souligner cette orientation. Barack Obama était si content de griller la politesse à Nicolas Sarkozy qu’il laissa formuler par sa diplomatie une des pistes concrètes pour aider ces pays arabes, à savoir dans le cas égyptien, transformer la dette en investissements.
La tentation d’insister sur l’aide économique n’est pas fortuite. Il s’agit d’empêcher des retours en arrière qui peuvent s’avérer dangereux et déstabilisants. Des pays comme la Tunisie et l’Egypte dont l’économie repose structurellement sur le secteur touristique voient s’assécher des pans entiers de leurs activités. Avec le risque majeur d’une immigration massive qu’ont illustré ces derniers temps les jeunesses tunisienne et égyptienne. D’ailleurs les besoins des deux pays ont déjà été chiffrés : entre 10 à 12 milliards de dollars pour l’Egypte jusqu’à la mi 2012 et 25 milliards de dollars pour la Tunisie pour les cinq ans à venir.
Le sommet de Deauville devait donc marquer ce grand tournant de la communauté internationale au chevet de l’aspiration démocratique arabe. Il s’agit de montrer une solidarité d’actes et non pas pas exclusivement de paroles. D’autant que la posture de l’aide économique peut servir à désarmer la rhétorique de tous ceux qui, nombreux, dénoncent les interventions militaires occidentales dans les pays arabes comme hier l’Irak et aujourd’hui la Lybie et demain sans doute le Yémen ou la Syrie.
Cette aide économique, si elle est ardemment souhaitée par ces pays du printemps arabes comme en témoigne la présence remarquée à Deauville du Premier ministre tunisien Beji Kaid Essebsi ou de l’égyptien Essam Charaf n’en soulève pas mois de nombreuses interrogations. Cette aide va certainement subvenir à des besoins urgents d’une société arabe tunisienne et égyptienne en proie au doute et à l’angoisse des lendemains incertains, elle va aussi participer à financer des processus électoraux qui ont pour objectifs de consolider la démocratie dans ces pays. Et cette question est d’une grande sensibilité politique avec la crainte qu’elle peut susciter: si ces processus électoraux aboutissent à des résultats qui déplaisent à ces grands pays du G8 et sécrètent des leadership non conformes aux canons de la démocratie occidentale…. Est ce à dire que cette aide sera remise en cause puisque intrinsèquement conditionnée?
Le ministre français des affaires étrangères Alain Juppé, lorsqu’il avait tenté de tirer la leçon du printemps arabe, avait jeté un pavé dans la mare diplomatique mondiale en affirmant qu’il faut envisager d’ouvrir un dialogue avec des « courants islamiques » qui acceptent les règles du jeu démocratique… Cela préfigure-t-il le comportement généralisé des pays du G8?
L’aide économique à la transition démocratique arabe décidée lors de ce G8 fait écho dans la mémoire des chroniqueurs à la posture qu’avait adopté l’ancien Président socialiste François Mitterrand lors de son célèbres discours de La Baule en 1990 lorsqu’il avait cette vérité dérangeante à l’époque à destinations des pays africains " il n’ y de développement sans démocratie et il n’y pas de démoderais sans développement" . A Tunis comme au Caire. Aujourd’hui toute proportion gardée, le G8 de Deauville fait résonance avec cette exigence démocratique lancée par le Nord comme un défi conditionné au pays du Sud, le printemps arabe en plus.