Nissan, s’estimant floué par Carlos Ghosn, réclame son dû
Nissan, à l’origine de l’enquête qui a fait tomber le tout-puissant Carlos Ghosn, veut récupérer ce qui lui a été « volé », à commencer par plusieurs millions d’euros qui ont été, selon le constructeur japonais, indûment versés à son ex-patron via une filiale néerlandaise.
La co-entreprise, détenue à parité par les deux groupes automobiles japonais, avait été fondée en juin 2017 "avec pour mission l’exploration et la promotion de synergies au sein du partenariat".
Quelques mois plus tôt, M. Ghosn s’était porté au secours de Mitsubishi Motors, empêtré dans un scandale de falsification de données. Et déjà avait-il formé le dessein, avec son bras droit Greg Kelly arrêté en même temps que lui, et d’autres complices non nommés, de "percevoir des revenus confidentiels via une structure non-consolidée aux Pays-Bas", affirme Nissan.
Finalement, en 2018, "il s’est signé un contrat sans discuter avec les autres membres du conseil d’administration de NMBV que sont le PDG de Nissan Hiroto Saikawa et le PDG de Mitsubishi Motors Osamu Masuko. Ils n’ont pour leur part touché aucun revenu", poursuit le constructeur.
Le secrétariat de Nissan en était la seule autre partie informée, selon une source proche du dossier. M. Ghosn a été généreusement payé, dénonce-t-elle, "alors qu’il n’a assisté qu’à une réunion opérationnelle, en août".
Considérant qu’il s’agit là "d’une faute" de M. Ghosn, Nissan dit "réfléchir aux moyens de récupérer cette somme" auprès du magnat de l’automobile, par le biais d’un dépôt de plainte, précise la personne au fait des investigations.
Depuis le début de cette saga rocambolesque, qui va de Paris à Tokyo, en faisant des détours au Brésil, Liban ou au Moyen-Orient, le groupe nippon accable son ancien sauveur, une attitude qui nourrit des accusations de complot.
Les responsables de Nissan brandissent en réponse les "graves agissements" révélés par l’enquête, débutée à l’été 2018 après le signalement d’un ou plusieurs lanceurs d’alerte.
Les informations ont été transmises à l’automne au parquet de Tokyo, ce qui a abouti à l’interpellation surprise de Carlos Ghosn le 19 novembre, plongeant l’alliance Renault-Nissan dans la tourmente.
Depuis, l’homme d’affaires franco-libano-brésilien, qui se dit "faussement accusé", séjourne en prison. Ses avocats ont indiqué vendredi avoir déposé une nouvelle demande de libération sous caution, après l’échec, y compris en appel, d’une première requête cette semaine.
La justice explique cette détention prolongée par un risque de dissimulation ou destruction de preuves et de fuite. L’équipe de défense de M. Ghosn avait souligné qu’étant donné sa notoriété, il pourrait difficilement se soustraire à la justice.
Du côté de l’Alliance, Renault, son dernier soutien, qui avait dans un premier temps argué de la présomption d’innocence, s’est résolu à lui chercher un successeur, au lendemain d’un appel de l’Etat français en faveur d’une nouvelle gouvernance.
Un conseil d’administration devrait porter dans les prochains jours le coup de grâce au capitaine d’industrie, déjà révoqué de la présidence de Nissan et de Mitsubishi Motors.
Contraint au silence médiatique à l’exception d’une unique comparution devant le tribunal le 8 janvier, Carlos Ghosn a été mis en examen pour minoration de revenus dans des rapports de Nissan remis aux autorités boursières, ainsi que pour abus de confiance.
Nissan lui reproche en outre d’autres malversations, comme l’achat de résidences de luxe à Beyrouth, Rio ou Paris, des donations à des universités au Liban ou encore l’emploi fictif de sa soeur au Brésil, tout ceci aux frais de Nissan.
Ces éléments ne sont pour le moment pas inclus dans les motifs de poursuites invoqués par les procureurs. Mais un nouveau mandat d’arrêt n’est pas exclu s’ils devaient réunir suffisamment de preuves.
Le procès, lui, n’interviendra pas avant plusieurs mois.
Le magnat de l’automobile risque en théorie jusqu’à 15 ans de prison.