Les Algériens ont attendu quatre mois après les élections législatives du 10 mai, marquées par la victoire écrasante du Front de libération nationale (FLN) et la déroute des principaux partis islamistes alliés au pouvoir, pour connaître la nouvelle équipe issue des urnes chargée de piloter les affaires du pays. Mais le changement s’avère homéopathique. Aucun poste-clé, qu’il s’agisse de la défense, de l’intérieur, de l’énergie, des affaires étrangères ou des finances, n’a changé de mains. Sur les 36 ministres et secrétaires d’Etat qui composent le gouvernement, seuls 15 y font leur entrée.
Et encore ce constat doit-il être nuancé puisque, dans le jeu de chaises musicales, quelques-uns des nouveaux occupants avaient déjà fait partie d’un gouvernement depuis 1999. C’est le cas, notamment, d’Amara Benyounes, ex-ministre des travaux publics en 2000, revenu cette fois au poste de ministre de l’aménagement du territoire, de l’environnement et de la ville, après avoir créé son parti, le Mouvement populaire algérien (MPA). Ou bien d’Amar Ghoul, ministre des travaux publics démis de ses fonctions car élu député après le 10 mai, et revenu strictement à la même case…
C’est donc avec son propre successeur à la tête du ministère des ressources en eau, Hocine Necib, 56 ans, un "nouveau-nouveau", que M. Sellal a pu évoquer la "relève". "Nous, nous terminons notre carrière] ", a déclaré le premier ministre, le 4 septembre, lors de la passation de pouvoir, en saluant "la nouvelle génération qui devrait prendre, petit à petit, la gestion du pays". En des termes très proches, le président Bouteflika avait lui-même appelé, le 8 mai, à Sétif, deux jours avant les élections législatives, une "nouvelle génération" à prendre en main le destin de l’Algérie et assuré que la sienne "avait fait son temps". La composition de la nouvelle équipe gouvernementale résiste pourtant à cette ambition affichée de changement.
Certes, des figures comme Aboubakr Benbouzid, ministre de l’éducation durant dix-neuf ans, ont cédé la place. Ne figure plus tout en haut de l’affiche, non plus, le secrétaire général du FLN, Abdelaziz Belkhadem, ex-ministre d’Etat et représentant personnel du président, fragilisé par une fronde depuis des mois dans son propre parti, malgré sa large victoire électorale. Ex-ministre de l’intérieur, Noureddine Yazid Zerhouni, vice-premier ministre dans le dernier gouvernement Ouyahia, un poste alors créé sur mesure mais qui a déjà disparu de l’organigramme, n’a pas été remplacé.
Mais aucun visage nouveau n’est apparu, et seulement trois femmes (deux ministres, une secrétaire d’Etat) font partie du gouvernement, alors qu’elles occupent désormais le tiers des sièges de l’Assemblée après l’adoption d’une loi sur la parité. Des proches du président sont partis, d’autres les ont remplacés, à commencer par le chef de gouvernement, M. Sellal, un homme de confiance, sans étiquette politique, lui-même plusieurs fois ministre, qui a surtout été le directeur de campagne de M. Bouteflika lors des présidentielles en 2004 et en 2009.
Signe d’une certaine lassitude, au lieu de l’expression "nouvelle génération", c’est donc celle d’"hibernation" qui s’est imposée dans les esprits. Deux responsables politiques différents l’ont utilisée pour décrire le paysage politique algérien. Le premier, Ali Laskri, secrétaire général du Front des forces socialistes (FFS), un parti d’opposition qui a participé aux élections du 10 mai après des années de boycottage, a ainsi regretté une "longue attente [pour la nomination du gouvernement] qui a plongé le pays dans une période d’hibernation". "Les horizons politiques sont bouchés et les institutions de l’Etat sont paralysées", avait alors jugé le groupe parlementaire FFS dans un communiqué.
Le second, Larbi Ould Khelifa, président de l’Assemblée populaire nationale, a lui aussi parlé d’"hibernation" s’agissant des institutions de l’Etat, lors de l’ouverture, le 3 septembre, de la session d’automne du Parlement. "Nous n’accusons personne lorsque nous affirmons que le rythme des activités dans différents secteurs est à son plus bas niveau", avait-il lancé.
L’Algérie hiberne-t-elle ?
LE MONDE | 14.09.2012 à 14h37 • Mis à jour le 14.09.2012 à 15h00
Par Isabelle Mandraud, Service International
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Quoi de neuf à Alger ? Rien, serait-on tenté de dire, à part un communiqué laconique de six lignes de la présidence annonçant, le 3 septembre, la nomination… d’un nouveau premier ministre, le sixième depuis l’arrivée au pouvoir, en 1999, du chef de l’Etat, Abdelaziz Bouteflika. Sans tambour ni trompette, pas même une passation de pouvoir avec son prédécesseur, Abdelmalek Sellal, ex-ministre des ressources en eau, a succédé à Ahmed Ouyahia à la tête d’un gouvernement doucement remanié.
Les Algériens ont attendu quatre mois après les élections législatives du 10 mai, marquées par la victoire écrasante du Front de libération nationale (FLN) et la déroute des principaux partis islamistes alliés au pouvoir, pour connaître la nouvelle équipe issue des urnes chargée de piloter les affaires du pays. Mais le changement s’avère homéopathique. Aucun poste-clé, qu’il s’agisse de la défense, de l’intérieur, de l’énergie, des affaires étrangères ou des finances, n’a changé de mains. Sur les 36 ministres et secrétaires d’Etat qui composent le gouvernement, seuls 15 y font leur entrée.
Et encore ce constat doit-il être nuancé puisque, dans le jeu de chaises musicales, quelques-uns des nouveaux occupants avaient déjà fait partie d’un gouvernement depuis 1999. C’est le cas, notamment, d’Amara Benyounes, ex-ministre des travaux publics en 2000, revenu cette fois au poste de ministre de l’aménagement du territoire, de l’environnement et de la ville, après avoir créé son parti, le Mouvement populaire algérien (MPA). Ou bien d’Amar Ghoul, ministre des travaux publics démis de ses fonctions car élu député après le 10 mai, et revenu strictement à la même case…
C’est donc avec son propre successeur à la tête du ministère des ressources en eau, Hocine Necib, 56 ans, un "nouveau-nouveau", que M. Sellal a pu évoquer la "relève". "Nous, nous terminons [notre carrière] ", a déclaré le premier ministre, le 4 septembre, lors de la passation de pouvoir, en saluant "la nouvelle génération qui devrait prendre, petit à petit, la gestion du pays". En des termes très proches, le président Bouteflika avait lui-même appelé, le 8 mai, à Sétif, deux jours avant les élections législatives, une "nouvelle génération" à prendre en main le destin de l’Algérie et assuré que la sienne "avait fait son temps". La composition de la nouvelle équipe gouvernementale résiste pourtant à cette ambition affichée de changement.
Certes, des figures comme Aboubakr Benbouzid, ministre de l’éducation durant dix-neuf ans, ont cédé la place. Ne figure plus tout en haut de l’affiche, non plus, le secrétaire général du FLN, Abdelaziz Belkhadem, ex-ministre d’Etat et représentant personnel du président, fragilisé par une fronde depuis des mois dans son propre parti, malgré sa large victoire électorale. Ex-ministre de l’intérieur, Noureddine Yazid Zerhouni, vice-premier ministre dans le dernier gouvernement Ouyahia, un poste alors créé sur mesure mais qui a déjà disparu de l’organigramme, n’a pas été remplacé.
Mais aucun visage nouveau n’est apparu, et seulement trois femmes (deux ministres, une secrétaire d’Etat) font partie du gouvernement, alors qu’elles occupent désormais le tiers des sièges de l’Assemblée après l’adoption d’une loi sur la parité. Des proches du président sont partis, d’autres les ont remplacés, à commencer par le chef de gouvernement, M. Sellal, un homme de confiance, sans étiquette politique, lui-même plusieurs fois ministre, qui a surtout été le directeur de campagne de M. Bouteflika lors des présidentielles en 2004 et en 2009.
Signe d’une certaine lassitude, au lieu de l’expression "nouvelle génération", c’est donc celle d’"hibernation" qui s’est imposée dans les esprits. Deux responsables politiques différents l’ont utilisée pour décrire le paysage politique algérien. Le premier, Ali Laskri, secrétaire général du Front des forces socialistes (FFS), un parti d’opposition qui a participé aux élections du 10 mai après des années de boycottage, a ainsi regretté une "longue attente [pour la nomination du gouvernement] qui a plongé le pays dans une période d’hibernation". "Les horizons politiques sont bouchés et les institutions de l’Etat sont paralysées", avait alors jugé le groupe parlementaire FFS dans un communiqué.
Le second, Larbi Ould Khelifa, président de l’Assemblée populaire nationale, a lui aussi parlé d’"hibernation" s’agissant des institutions de l’Etat, lors de l’ouverture, le 3 septembre, de la session d’automne du Parlement. "Nous n’accusons personne lorsque nous affirmons que le rythme des activités dans différents secteurs est à son plus bas niveau", avait-il lancé.
Après des législatives marquées par de fortes disparités sur la participation entre les régions, les Algériens, réalistes, ne s’attendaient pas à un grand bouleversement. Le pouvoir met en place les conditions de la pérennité du système qui prévaut dans le pays depuis son indépendance. Et, à la différence d’autres régions du monde arabe, l’Algérie est à l’abri de toute pression extérieure par son poids dans la région, ses richesses en hydrocarbures et son histoire qui lui garantissent la stabilité.
Il reste une étape à venir, la révision de la Constitution, annoncée par le président. La dernière, pour le régime, s’il veut se réformer avant la présidentielle de 2014 et répondre à l’aspiration d’une majorité de sa population.