"Nous voulons ta tête, traître Tantaoui. Tu aurais pu inscrire ton nom dans l’Histoire mais tu étais arrogant et tu as cru que l’Egypte et son peuple pourraient revenir en arrière et oublier leur révolution", écrivent ainsi les Ultras de la place Tahrir (UTS), sur leur page Facebook.
Cette joute verbale survient au lendemain des violences qui se sont produites en marge d’une rencontre de football à Port-Saïd qui ont fait au moins 74 morts et plus d’un milliers de blessés.
Les violences ont éclaté à la fin d’un match remporté 3-1 par l’équipe locale d’Al Masry contre le club cairote d’Al Ahli, l’une des formations les plus titrées du football égyptien.
Des responsables sportifs et politiques ont dénoncé l’absence de sécurité entourant cette rencontre et accusé les militaires au pouvoir en Egypte depuis la chute d’Hosni Moubarak en février 2011 d’avoir permis, sinon provoqué, cette tragédie par incurie ou par calcul.
Pour certains, les violences auraient été déclenchées sciemment pour punir les Ultras d’Al Ahli, un groupe de supporters du club du Caire dont l’expérience des confrontations avec les forces de l’ordre a servi il y a un an, au plus fort des journées révolutionnaires, pour défendre la place Tahrir.
"Pour la première fois dans l’histoire des rencontres entre ces deux équipes, nous n’avons pas vu de policiers ou de membres des services de sécurité. La police a quitté le stade, votre complot apparaÂŒt au grand jour", fustige UTS dans un communiqué, qui s’est rapidement propagé sur Internet.
"Ce qui s’est produit est une vengeance contre les Ultras en raison de leur rôle joué lors de la révolution", a indiqué ppur sa part le candidat à l’élection présidentielle Hamdeen Sabahy.
Un sentiment partagé par de nombreux habitants de Port-Saïd, à l’image d’Ahmed Badr, un commerçant de 45 ans.
"Les ultras sont très populaires et respectés parmi les révolutionnaires", insiste-t-il. "Les ultras étaient la cible (mercredi). C’était un coup monté, un massacre. Le Conseil militaire et les forces de sécurité sont les seuls responsables de ces événements."
"VENDU SON AME"
Lors de la révolution de l’année dernière, les ultras, souvent des adolescents ou des jeunes âgés tout au plus d’une vingtaine d’années, se sont retrouvés en première ligne, faisant face sans relâche à la police puis à ‘armée.
Les Ultras d’Al Ahli ont notamment organisé la riposte à la charge des partisans de Moubarak, à dos de dromadaires et de chevaux, le 2 février 2011.
Pendant des mois, ils ont scandé des slogans hostiles à l’armée dans les enceintes de stades qui ont retenti dans des nombreux foyers égyptiens.
"Police militaire, vous êtes des chiens tout comme le ministère de l’Intérieur. Ecrivez cela sur les murs des prisons, à bas le régime militaire", pouvait-on encore récemment entendre.
"La peuple veut l’exécution du maréchal", ont scandé mercredi plusieurs milliers d’Egyptiens regroupés à la gare centrale du Caire, où revenaient les supporters qui s’étaient rendus à Port-Saïd pour le match.
Réagissant aux violences, le maréchal Mohamed Hussein Tantaoui a promis que les responsables seraient traqués et jugés et a assuré que l’armée ne permettrait pas de faire dérailler le processus de transition qui prévoit la remise du pouvoir à un gouvernement civil d’ici fin juin.
Le parlement égyptien nouvellement élu devrait tenir ce jeudi une session extraordinaire sur ces événements.
L’annonce d’un deuil de trois jours dans le pays par l’armée a donné lieu à un nouveau bras de fer entre le CSFA et les ultras.
Ce deuil ne doit pas être seulement observé en mémoire des victimes "mais également pour toute personne qui a perdu son sens moral, pour toute personne qui a vendu son âme et qui ne se soucie pas du pays", ont aussitôt riposté les Ultras d’Al Ahli.