"Un acte de libération totale". C’est la manière dont Sila Sahin, une comédienne allemande d’origine turque, décrit, dans la Deutsche Welle, la séance de photos qu’elle a réalisée pour la version allemande du magazine Playboy. Nul besoin de vous préciser qu’étant donné le support, la tenue de la jeune femme sur lesdites photos s’avère (très) légère.
"Pendant des années, je me suis pliée à des contraintes sociales diverses et j’ai fait ce que les autres estimaient être bon pour moi", déclare-t-elle dans le making-of des photos publiées par le magazine érotique. La jeune femme se décrit elle-même comme une musulmane pratiquante et a expliqué vouloir "décoincer" sa communauté d’origine par son acte, précise Rue89.
"Enfin, quelqu’un a été assez courageux pour le faire", affirme un commentaire sur la page Facebook de celle qui est connue pour être Ayla Özgul dans la série allemande "Gute Zeiten, schlechte Zeiten".
Des photos qui font débat
Mais certains dans la communauté musulmane allemande ne l’entendent pas de cette oreille.
Interrogé par la Deutsche Welle, un patron de restaurant de Bonn explique par exemple que "ce n’est absolument pas permis aux Musulmans de faire des choses pareilles". Et s’il s’agissait de sa sœur ou de sa fille ? "Je la tuerais. Je suis sérieux".
On mesure, face à de tels commentaires, le genre de pressions sociales et de tabous que la jeune actrice a dû transgressés.
Ce patron de snack n’est toutefois pas représentatif de l’entièreté de la communauté musulmane allemande. Celle-ci n’est en effet pas un monolithe emprunt de conservatisme. Comme le prouve Tolga, étudiant de Bonn qui juge que la démarche Sila Sahin ne pose aucun problème. "Je n’aime pas vraiment cela mais à chacun ses choix", précise-t-il à la Deutsche Welle.
Les clichés suggestifs ont permis également de faire tomber pas mal de stéréotypes qui circulent en Allemagne sur les jeunes musulmanes. L’attention médiatique suscitée par les photos a relancé le débat sur la compatibilité de l’Islam et de la culture allemande, en lui donnant un nouvel angle. Ces jeunes femmes musulmanes épanouies, décomplexées et assumant leur sexualité ne rentrent pas dans les carcans habituels des représentations que s’en font de nombreux Allemands non musulmans.
"Je me sens comme Che Guevara"
Dès lors, "assistons-nous à la naissance de l’islamo-féminisme ?", se demande Rue89, qui rappelle le rôle des femmes dans les révolutions arabes en cours.
C’est peut-être ce que pense la principale intéressée qui n’hésite pas à déclarer qu’elle se sent "comme Che Guevara".
On lui laissera la responsabilité de cette comparaison. Sans que cela n’enlève rien ni à son courage, ni au plaisir que ses photos ne manqueront pas de prodiguer aux lecteurs de Playboy.