Trou de la Sécu post-Covid, étape pour le grand âge: feu vert du Parlement français

Le Parlement français a adopté définitivement jeudi les projets de loi sur la dette sociale, qui creusent fortement le « trou de la Sécu » après le coronavirus et valident la création d’une 5e branche « autonomie », « coquille vide » aux yeux des oppositions.

Les deux textes – organique et ordinaire – ont été adoptés par 331 voix contre 56 et 43 abstentions pour le premier, et à main levée pour le second, avec le soutien de la majorité LREM, MoDem et Agir. Les autres groupes ont majoritairement voté contre ou se sont abstenus.

Députés et sénateurs n’avaient pas réussi à s’accorder sur ces textes, qui sous des abords techniques, portent des enjeux majeurs comme l’ajout de 136 milliards d’euros de dettes au « trou de la Sécu ». Les Français les rembourseront jusqu’en 2033, soit neuf années de plus que prévu.

Cette somme transférée dans une caisse dédiée (Cades) englobe les déficits passés (31 milliards), mais aussi ceux attendus pour l’année en cours (52 milliards) et les trois suivantes (40 milliards), ainsi qu’un tiers du passif des hôpitaux (13 milliards), dont la reprise avait été annoncée en novembre.

A l’heure où le Parlement adopte un troisième budget de crise, la majorité loue une « opération de bonne gestion ». Mais, à l’instar des socialistes, des élus d’opposition jugent « injuste » de transférer les dettes du Covid-19 sur les comptes sociaux. Pour LR, l’Etat aurait dû « assumer son choix » sur la dette des hôpitaux.

Certains élus critiquent aussi une augmentation d’impôt avec la prolongation jusqu’en 2033 de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), la jugeant contraire à l’engagement du président Emmanuel Macron de ne pas alourdir la fiscalité.

Ce texte pose en outre le principe de la création d’une cinquième branche de la Sécurité sociale, dédiée à la prise en charge de la perte d’autonomie. Elle doit venir s’ajouter aux quatre branches existantes: maladie, retraite, famille, accidents du travail.

La gouvernement vante un tournant « historique », alors qu' »en 2040, plus de 10 millions de personnes auront 75 ans ou plus, soit deux fois plus qu’aujourd’hui ».

La ministre chargée de l’Autonomie Brigitte Bourguignon a défendu un texte qui « guidera pour longtemps le système de protection sociale », voyant dans la création de cette nouvelle branche, la « première pierre d’une grande réforme » du grand âge et de l’autonomie qu’elle aura « à coeur de porter ».

 « Pot sans confiture »

Déjà promise -puis abandonnée- par Nicolas Sarkozy, à nouveau évoquée par Emmanuel Macron en juin 2018, la réforme de la dépendance est freinée par son coût.

De 30 milliards d’euros par an (dont 6 milliards reposant sur les ménages), les dépenses liées au grand âge pourraient augmenter de plus de 9 milliards d’ici 2030 à cause du papy-boom, selon le rapport Libault remis l’an dernier.

Le texte crée une nouvelle branche, mais les modalités et la question cruciale de son financement ont été renvoyées à un rapport qui doit être remis au Parlement avant le 15 septembre, après une concertation pilotée par Laurent Vachey, inspecteur général des finances.

Il a été chargé « d’identifier des sources de financement à mobiliser dès 2021 ». Le projet de loi prévoit une augmentation du financement de la perte d’autonomie de 2,3 milliards d’euros par an, seulement à partir de 2024.

Mme Bourguignon a rappelé que l’objectif est de dégager « au moins un milliard d’euros dès 2021 ».

Plusieurs élus de la majorité ont vanté dans la foulée une décision « historique » avec la création de la 5e branche, Cyrille Isaac-Sibille (MoDem) brandissant symboliquement une pierre blanche ramassée « dans les jardins de l’Assemblée ».

Mais pour les oppositions, « ni les contours ni le financement » de la nouvelle branche ne sont clairs, les LR s’étant abstenus notamment pour ce motif.

Gouvernement et la majorité se voient reprocher d’avoir « mis la charrue avant les boeufs » (Libertés et Territoires) avec « un loup » sur le financement (PS).

C’est une « jolie étiquette sur un pot sans confiture », a abondé Pierre Dharréville (PCF) tandis que François Ruffin (LFI) a raillé un risque vieillesse lancé « sans un rond », ajoutant: « C’est pas de l’argent magique, ça? ».

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Ce site Web utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que vous êtes d'accord avec cela, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. J'accepte Lire la suite