Rôle de la France au Rwanda: Macron facilite l’accès des archives à des chercheurs

A la veille de la commémoration du 25e anniversaire du génocide au Rwanda, le président français Emmanuel Macron a mis en place une commission de chercheurs afin de faire la lumière sur le rôle controversé de Paris dans cette tragédie, et apaiser la relation avec Kigali.

Deux jours avant les cérémonies dimanche au Rwanda, auxquelles il ne se rendra pas, M. Macron a reçu vendredi au palais présidentiel de l’Elysée des représentants d’Ibuka France, association de soutien aux victimes et rescapés du génocide.

A cette occasion, il leur a annoncé la création d’une commission d’historiens et de chercheurs qui auront accès à "toutes les archives françaises concernant le Rwanda entre 1990 et 1994". Les archives constituent un sujet épineux, au coeur de toutes les difficultés pour tenter d’esquisser une vérité historique.

"Le fait de créer la commission est un geste fort. Maintenant, il faut vérifier comment ça se passe. Il faut attendre. J’ai des craintes car nous avons souvent été déçus, nous avons souvent été trahis", a déclaré à la presse à l’issue de la réunion Marcel Kabanda, 62 ans, président d’Ibuka France.

"M. Macron n’a pas promis l’ouverture des archives. Il a dit accès aux archives", a souligné M. Kabanda. "C’est un compromis, un premier pas", a-t-il ajouté, rappelant que le travail de mémoire restait, 25 ans après, "empoisonné par la polémique sur le rôle de la France dans le génocide, les accusations, les révélations, le silence de l’Etat".

Nouvelle illustration de la sensibilité du sujet, la commission, qui rassemblera huit chercheurs et historiens sous l’égide du professeur Vincent Duclert, spécialiste des processus génocidaires, ne comptera cependant aucun spécialiste du Rwanda.

Une façon, selon l’Elysée, de garantir "une liberté intellectuelle totale" à cette instance, et de ne pas créer un nouveau "lieu d’affrontements de différentes thèses".

Les zones d’ombres sur le rôle de Paris avant, pendant et après ce génocide – qui fit selon l’ONU au moins 800.000 morts d’avril à juillet 1994, essentiellement au sein de la minorité tutsi mais aussi parmi les Hutu modérés – restent une source récurrente de polémiques en France.

Parmi les points les plus disputés figurent l’ampleur de l’assistance militaire apportée par la France au régime du président rwandais hutu Juvénal Habyarimana de 1990 à 1994 et les circonstances de l’attentat qui lui coûta la vie le 6 avril 1994, élément déclencheur du génocide.

Le travail de la commission "aura notamment vocation à aider à constituer la matière historique nécessaire à l’enseignement de ce génocide en France. Cette commission devra remettre son rapport dans un délai de deux ans, avec une note intermédiaire au bout d’un an", précise la même source.

Reste que l’accès aux archives, maintes fois promis (notamment par le prédécesseur de M. Macron, le socialiste François Hollande), est souvent resté lettre morte.

Selon l’Elysée, les neuf chercheurs seront habilités à étudier l’ensemble des fonds de l’engagement français du Ministère des Affaires étrangères, des Armées, des services secrets, et très certainement aussi ceux des archives présidentielles de François Mitterrand.

Interrogée par l’AFP, la gardienne des archives de la présidence Mitterrand, Dominique Bertinotti, régulièrement accusée par des chercheurs de verrouiller l’accès aux documents sensibles, a assuré qu’elle envisagerait "avec bienveillance" les demandes de la commission Duclert, et qu’elle n’y voyait "pas d’obstacle particulier". Tout en précisant que "rien n’était automatique".

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