Présidentielle mauritanienne : vers un transfert pacifique du pouvoir pour la première fois dans l’histoire du pays

La Mauritanie s’apprête à inaugurer une nouvelle étape de son histoire moderne avec la tenue, samedi prochain, d’une élection présidentielle consacrant une véritable alternance au pouvoir qui devrait ainsi ouvrir la voie, pour la première fois dans ce pays, au transfert du pouvoir d’un président dont la mandature tire à sa fin à un autre élu démocratiquement.

Le mandat actuel du Président Mohamed Ould Abdel Aziz expire en août prochain, après sa première élection en 2009 et sa réélection en 2014, sachant que la constitution mauritanienne limite le nombre de mandats présidentiels à deux d’une durée de cinq ans chacun.

Après les appels incessants lancés, en début d’année, pour la révision de la Constitution du pays en vue de la suppression des articles contraignants qui empêchent ainsi le président actuel de briguer un troisième mandat, le président Ould Abdel Aziz est intervenu lui-même pour appeler, le 15 janvier dernier, à cesser ces initiatives, réitérant de la sorte sa détermination à respecter les dispositions de la Loi Fondamentale.

C’est dire que cette décision a ouvert la voie à un scrutin présidentiel sur lequel fondent de grands espoirs la classe politique mauritanienne et de larges couches de la société pour faire sortir le pays de la phase de transition qui dure depuis quatre dernières décennies.

De nombreux observateurs politiques mauritaniens s’accordent ainsi à dire que la Mauritanie se trouve à la croisée des chemins, arguant que cette élection présidentielle, dont le premier tour est prévu le 22 juin courant, constituent indubitablement une réelle opportunité pour instaurer les premières assises d’une alternance pacifique au niveau de la plus haute autorité du pays. Ce scrutin constitue de même un tournant décisif pour l’avenir du pays et de toutes ses forces vives qui doivent y faire face avec beaucoup de sagesse et de perspicacité.

Commentant les développements survenus sur la scène politique, le politologue et professeur à l’Université de Nouakchott, Ahmed Mohamed El Amin Andari, a déclaré que l’élection présidentielle se tient dans un contexte local caractérisé par l’importance qu’attachent les différentes parties à cette échéance et qui veillent pour le succès du transfert pacifique du pouvoir, en tant que principale garantie pour la stabilité du pays et son développement.

De nombreux observateurs estiment que les électeurs mauritaniens, au nombre de 1,5 million, dont une majorité de jeunes, se retrouvent en cette étape historique face à un nouveau développement politique, incarné à la fois par une élection présidentielle pluraliste avec la participation de l’opposition dont les principaux leaders avaient boycotté la Présidentielle de 2014 et à laquelle concourent six candidats représentant les différentes tendances politiques et sociétales (majorité au pouvoir, opposition radicale, technocrates).

L’électeur mauritanien aura ainsi l’occasion de contribuer à ce que les observateurs considèrent comme "un changement de la culture démocratique dans le pays", en ce sens que sa voix aura en cette onzième élection présidentielle du pays et la septième du genre depuis le lancement du pluralisme dans les années 1990, un rôle majeur pour départager ces forces qui se différencient en termes d’influence et de poids sur l’arène politique et dans la capacité à attirer le plus grand nombre de voix pour trancher la course à la présidence, que ce soit au premier tour du scrutin ou au second tour prévu le 6 juillet prochain.

Après le lancement de la course à la présidence, le gouvernement avait annoncé les noms des six candidats qui se sont engagés dans une course contre la montre pour mobiliser davantage de soutien, par le biais de deux campagnes électorales, l’une prématurée et la deuxième officielle (du 7 au 20 juin).

D’aucuns estiment, en effet, que la concurrence sera rude entre deux puissances majeures, l’une représentant la continuité du système actuel incarné par la majorité au pouvoir, qui se dresse derrière le candidat Mohamed Ould El Ghazouani, général à la retraite et ancien ministre de la Défense, alors que l’autre représente les forces en quête de "changement", représentées par les partis de l’opposition radicale qui entameront la course à la présidentielle en rangs dispersés, ce qui réduira assurément leurs chances de rivaliser avec le "candidat de la majorité au pouvoir".

En effet, l’opposition est représentée à ce scrutin par quatre candidats à savoir l’ancien Premier ministre Sidi Mohamed Ould Boubakar, le militant des droits de l’Homme Biram Dahl Ould Abeid, le chef du parti des Forces progressistes et candidat de la Coalition des Forces pour le Changement Démocratique, Mohamed Ould Mouloud et le chef du parti du Mouvement pour la réorganisation et candidat de la "Coalition Vivre Ensemble", Hamidou Baba.

Ce scénario apparaît clairement lors du déroulement de la campagne électorale, qui entame le dernier tournant. Ainsi, malgré le recoupement des programmes des candidats dans différents domaines et leur différenciation dans d’autres, force est de constater qu’ils résument deux tendances : Ceux qui prônent la continuité et appellent ainsi à la nécessité de préserver les acquis de la dernière décennie et ceux encore qui veulent une rupture complète avec le passé et exigent un changement radical de l’approche existante en matière de gestion de la chose publique.

La campagne électorale a aussi révélé la force des candidats et leur capacité à convaincre les électeurs du bien-fondé de leurs programmes, comme c’est le cas du candidat Ould El Ghazouani qui s’est imposé avec force lors des différents meetings électoraux et le candidat Mohamed Ould Boubakar considéré comme son principal adversaire dans la course à la Présidence. L’autre candidat Biram Dahl Ould Abeid a, lui aussi, montré une grande capacité à mobiliser les électeurs à la faveur de l’influence des discours prononcés lors des meetings électoraux.

Il convient de noter que les élections présidentielles en Mauritanie se dérouleront en l’absence d’observateurs internationaux, en particulier de l’Union européenne, ainsi que dans un contexte marqué par un conflit acerbe entre le gouvernement et l’Alliance électorale des partis d’opposition sur la composition de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), chargée de superviser le processus électoral.

Alors que s’intensifie la compétition entre les forces de la continuité et celles en quête de changement, les observateurs estiment qu’il est difficile de prédire l’issue du premier tour des élections, car les "forces du changement" cherchent à pousser le candidat de la majorité vers un second tour qui sera crucial et où toutes les éventualités sont possibles.

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