Présidentielle américaine : quand la bassesse atteint des sommets

Les électeurs américains pensaient avoir tout vu en matière de scandales et de médiocrité. Ils se trompaient. Les candidats, Trump en tête, creusent encore.

De mémoire d’électeurs, la présidentielle de 2016 restera dans les annales pour sa vulgarité et sa médiocrité : diatribes racistes, misogynes ou xénophobes, accès de violence physique sur le terrain, sans oublier les nombreuses théories du complot et des attitudes dignes d’une dictature. Les experts en conviennent, la bassesse du débat atteint des sommets. Certes, les Américains ont connu leur lot de scandales sexuels et le débat politique a pu tomber très bas, mais jamais à un tel niveau de vulgarité.

Lors d’un débat télévisé républicain, il a été question de la taille d’organes génitaux, et Donald Trump a laissé entendre qu’il pouvait abattre quelqu’un en pleine rue sans perdre de voix. On croyait avoir touché le fond, mais le niveau d’indécence est monté d’un cran avec la publication vendredi d’une vidéo de 2005 où Donald Trump tient des propos infâmes à l’égard des femmes. « Quand t’es une star, elles te laissent faire. Tu peux tout faire. Les choper par la chatte », dit-il notamment, alors que les micros sont ouverts.

À eux deux, Donald Trump et sa rivale Hillary Clinton sont les candidats les plus impopulaires de l’histoire récente des États-Unis. À Mme Clinton on reproche sa messagerie privée, l’attaque de Benghazi en 2012 et son attitude vis-à-vis des écarts de son mari Bill Clinton. Mais, pour l’historien Allan Lichtman, professeur à l’American University, le principal instigateur de ce climat délétère reste Donald Trump, « un candidat qui a atteint un niveau de négativité » qu’il qualifie d’« historique » : « On n’a jamais vu quelque chose comme ça », dit-il au sujet de cette vidéo. Même lors des deux précédentes campagnes, on « n’était pas tombé dans le caniveau », juge l’universitaire selon lequel les attaques racistes contre Barack Obama auraient pu être bien plus viles.

La barre très haut

Thomas Jefferson au XIXe siècle avait pourtant placé haut la barre de la trivialité lors de la campagne présidentielle de 1804. Il était alors question de savoir s’il avait eu ou non des enfants avec une de ses esclaves. Plus tard, des scandales sexuels ont concerné les présidents Grover Cleveland, Warren Harding ou John F. Kennedy. Et en 1987, le démocrate Gary Hart avait été photographié avec une jeune femme sur le yacht Monkey Business, propulsant la campagne dans les pages des journaux tabloïds.

Mais 2016 a donné lieu à des actes inédits. Quelques minutes avant le lancement d’un débat entre les candidats dimanche, Donald Trump a convoqué à la hâte une conférence de presse en présence de trois femmes accusant Bill Clinton de les avoir agressées sexuellement, et une quatrième assurant qu’Hillary Clinton avait aidé à faire libérer son violeur présumé quand elle était jeune avocate. Dans un rebondissement sans précédent, le chef des républicains au Congrès Paul Ryana pris ses distances de M. Trump lundi, expliquant qu’il ne le défendrait plus, de peur de perdre non seulement la course à la Maison-Blanche, mais aussi le contrôle du Congrès.

Banal ?

« On s’est endurcis face à tout cela », écrit le chroniqueur du Washington Post Richard Cohen. « Les mensonges, la définition instable de la sexualité…, la vulgarité de tout cela, l’effacement de la limite entre privé et public ». Pour Ferrel Guillory, professeur à la faculté de journalisme de l’université de Caroline du Nord, la donne a aussi changé, car le débat politique se déroule sur Internet. Les attaques et contre-attaques ont maintenant lieu en temps réel et sont vues par des centaines de personnes, voire des millions. Des règles implicites qui existaient dans le débat politique sont maintenant bafouées, poursuit-il en mentionnant la menace de Donald Trump d’emprisonner sa rivale s’il était élu président.

Le candidat républicain avait aussi lancé lors d’un meeting en février qu’il aurait aimé « casser la figure » à un manifestant qui le frustrait. Il a évoqué le cycle menstruel d’une présentatrice de télévision ou encore attaqué une ancienne Miss Univers, qu’il a traitée de « Miss Piggy » (Peggy la cochonne) parce qu’elle avait pris du poids.

Reste à savoir si cette bassesse fait désormais partie de la politique américaine ou si, touchant le fond, les Américains vont réagir. À cette question l’historien Allan Lichtman répond que le vote du 8 novembre sera déterminant. « Si Trump perd largement, ça ne deviendra pas quelque chose de banal », affirme-t-il. Mais, « s’il gagne ou s’en rapproche, il aura alors instauré un nouveau modèle pour la politique américaine ».

Source AFP

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