Pakistan/élections: Imran Khan vainqueur mais devra chercher des alliés

L’ex-champion de cricket Imran Khan a remporté les élections législatives de mercredi au Pakistan, selon des résultats partiels publiés vendredi, mais devra chercher des alliés pour parvenir à former une majorité.

Le Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI) remporte au moins 114 sièges, loin devant ses rivaux qui ne sont plus en mesure de le rattraper, selon les résultats partiels rendus publics par la Commission électorale pakistanaise (ECP), et alors que seule une dizaine de sièges restent à attribuer.

Imran Khan a solennellement revendiqué dès jeudi soir la victoire à ces élections marquées par de nombreuses accusations de fraude et par un processus de dépouillement particulièrement lent, qui a valu de vertes critiques à l’ECP.

Le PTI n’est désormais plus en mesure d’obtenir la majorité (137 sièges) nécessaire à la formation d’un gouvernement. Il lui faudra donc chercher des alliés parmi les députés indépendants ou former une coalition avec d’autres partis.

Le principal rival du PTI dans ces élections, le parti PML-N de Shahbaz Sharif, a remporté 63 sièges à ce stade, et le PPP (Parti du peuple pakistanais) de Bilawal Bhutto-Zardari 43, a indiqué la Commission.

Ces deux partis, ainsi que plusieurs autres, ont fait état de fraudes lors du vote. L’ECP rejette ces accusations et a attribué le retard à des problèmes techniques. "Les élections ont été menées d’une manière équitable et libre", a-t-elle proclamé.

Une ONG pakistanaise, le Réseau pour des élections libres et justes (FAFEN), a livré un diagnostic globalement favorable du scrutin, pour lequel elle avait déployé environ 20.000 observateurs.

"Le jour du vote a été mieux géré, relativement pacifique et sans grande controverse jusqu’au soir, lorsque des inquiétudes sont apparues sur la transparence du dépouillement", a déclaré son secrétaire général Sarwar Bari lors d’un point presse.

Les missions d’observation de l’Union européenne et du Commonwealth doivent également livrer leurs premières impressions dans la journée.

La controverse sur le dépouillement fait suite à une campagne déjà considérée par certains observateurs comme l’une des plus "sales" de l’histoire du pays en raison de nombreuses manipulations présumées de la puissante armée pakistanaise en faveur de M. Khan.

Dans sa revendication de la victoire jeudi soir, le populaire ex-champion de cricket, visiblement sûr de lui, avait adopté un ton conciliant et ponctué de références religieuses.

"Nous avons réussi. On nous a donné un mandat", a-t-il lancé, balayant lui aussi les accusations de fraude. Les élections de mercredi ont été "les plus justes et les plus transparentes" de l’histoire du Pakistan, a-t-il affirmé.

Promettant l’avènement d’un "nouveau Pakistan" et d’un "Etat-providence islamique", il a longuement détaillé ses projets une fois à la tête du pays, s’engageant notamment à lutter contre le "cancer" de la corruption et contre la pauvreté.

"Questions difficiles"

Mais pour les analystes, les circonstances dans lesquelles se sont déroulés la campagne électorale et le vote jettent une ombre sur la légitimité des résultats et sont susceptibles de créer de l’instabilité.

"Personne ne peut gouverner efficacement lorsque la moitié du pays croit que vous avez été installé suite à une manipulation de l’armée et de la justice plutôt que par le vote du peuple", estime l’ancien diplomate Hussain Haqqani.

"Le problème est que l’armée a endossé un rôle si central le jour du vote et que les accusations des partis incluent le fait que leurs agents électoraux ont été expulsés des bureaux de vote", renchérit l’analyste Azeema Cheema, interrogée par l’AFP.

"Cela va être des questions auxquelles il sera difficile de répondre pour l’armée. Cependant, il n’y aura pas de réponses à cela", pronostique-t-elle.

Le Pakistan, puissance nucléaire, a été dirigé par son armée pendant près de la moitié de ses 71 ans d’histoire.

Les élections de mercredi constituaient un cas rare de transition démocratique d’un gouvernement civil à un autre dans ce jeune pays au passé ponctué de coups d’Etat militaires et aux institutions fragiles.

Manifestations ?

Le parti PML-N, qui apparaît à ce stade comme le plus grand perdant du vote, n’a pas réagi dans l’immédiat au discours de M. Khan.

Son chef de file Shahbaz Sharif, frère de l’ancien Premier ministre Nawaz Sharif avait dénoncé dès mercredi soir des "fraudes flagrantes (ramenant) le Pakistan 30 ans en arrière" et "rejeté" d’emblée son résultat.

Le chef du clan, Nawaz Sharif, actuellement emprisonné pour corruption, est resté silencieux.

Les cadres du parti sont entrés en consultations pour déterminer la stratégie à adopter dans les prochains jours, a indiqué un de ses responsables vendredi à l’AFP.

Le PPP, dont le chef Bilawal Bhutto-Zardari a lui aussi dénoncé de lourds dysfonctionnements dans la machine électorale, va également consulter les autres formations pour élaborer une stratégie commune, a indiqué un porte-parole.

Au moins une formation, le parti extrémiste Tehreek-e-Labaik Pakistan (TLP), qui avait bloqué pendant des semaines en novembre dernier le principal accès à la capitale Islamabad, a annoncé envisager des manifestations.

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