M. Ben Bernanke, président de la banque centrale des Etats-Unis d’Amérique (Federal Reserve) a présenté devant la commission économique du Congrès (Joint Economic Committee) son analyse de la situation économique sur le territoire national au vu des dernières statistiques publiées. L’image de l’économie américaine dégagée apparaît pour le moins tempérée… Même si une reprise économique modérée semble se dessiner depuis le second semestre 2009, M. Bernanke affiche une certaine prudence au vu de « certaines contraintes significatives » (significant restraints) imputable à la faiblesse de la construction résidentielle et commerciale et à la situation dégradée des finances publiques locales. Autre point noir, l’important déficit du budget fédéral inquiète grandement la Fed qui plaide pour une franche réduction des déficits, même s’il faut pour se faire procéder à des coupes drastiques dans nombre de programmes…
Notons que cet exposé n’abordait aucunement la politique monétaire à venir de la banque centrale et donc aucune orientation (guidance) en termes de taux directeurs. Rappelons que les prochaines réunions du comité de politique monétaire de la Fed (FOMC) se tiendront les 27 et 28 avril puis les 22 et 23 juin. Gageons que les termes des communiqués du FOMC seront soigneusement décryptés par les économistes. Enfin, concernant l’inflation, M. Bernanke n’affiche aucune inquiétude, ce qui invalide certains scénarios de grandes banques tablant sur une reprise prochaine de l’inflation pour corriger les déficits colossaux des Etats et des acteurs économiques…
Sur le front des statistiques économiques américaines cette semaine, relevons que :
1) Le marché du travail enregistre une nouvelle hausse des inscriptions hebdomadaires au chômage pour la semaine du 10 avril (+24 000, supérieures aux attentes, après une augmentation de 18 000 la semaine précédente). Le nombre total des chômeurs indemnisés reste stable depuis le début de l’année 2010, tout comme le taux de chômage, ce qui suggère que l’amélioration de l’emploi n’entraîne pas pour l’instant un recul du chômage.
2) L’indicateur ECRI du climat des affaires se tasse, la hausse s’établissant à 12,7% contre +23% sur 3 mois. Si l’indice manufacturier de la Fed de New York continue de s’améliorer, l’indice de la Fed de Philadelphie reste quasi inchangé.
3) La consommation des ménages faiblit quelque peu, avec un tassement des ventes des grands magasins (+4,0% sur un an vs 4,7% la semaine dernière), imputable au contrecoup de l’effet calendaire des fêtes de Pâques. L’indice ABC de confiance des consommateurs repart à la baisse, poursuivant son mouvement en dents de scie.
4) L’évolution des crédits bancaires n’est pas représentative cette semaine du fait de changements de méthodes comptables
5) Les marchés boursiers restent toujours bien orientés, l’indice S&P 500 ayant même cassé à la hausse la barre des 1 200 points.
ZONE EURO : LE PLAN DE SAUVEGARDE DE L’UEM ECARTE A COURT TERME LE SPECTRE D’UN DEFAUT DE PAIEMENT DE LA GRECE, MAIS SA SOLVABILITE BUDGETAIRE RESTE INCERTAINE…
Sous la pression des investisseurs, des institutions et des medias, les ministres des finances de l’UEM réunis en fin de semaine dernière en séance exceptionnelle (le dimanche 11 avril) ont été contraints de prendre dans l’urgence des mesures d’assistance financière destinées à soutenir les finances publiques de la Grèce. Tous les détails ne sont pas encore connus, mais l’enveloppe dévolue est significative, de l’ordre de 30 milliards d’euros auxquels viendront s’additionner une aide du FMI.
A court terme, le risque d’une défaillance est écarté. La contribution de l’UEM sera effectuée sous forme de prêts bilatéraux. L’apport du FMI se chiffrerait dans une fourchette comprise entre 10 et 15 milliards d’euros. Au total, ce montant de l’ordre de 40 à 45 milliards d’euros devrait être suffisant pour couvrir les besoins de financement de la Grèce s’étalant jusqu’à fin 2010.
Mais au-delà ? Considérant que cet apport semble être un maximum, la contribution allemande restant en balance du fait d’un possible recours devant la Cour constitutionnelle de Karlsruhe pour juger de sa conformité avec les Traités européens, il semble peu probable que les grands pays européens, qui rencontrent eux aussi de graves difficultés budgétaires, acceptent de remettre au pot. De plus la conditionnalité de l’aide est subordonnée aux recommandations du Conseil Ecofin, impliquant une réduction du déficit public grec de 4 points en 2010 et à un retour à un déficit budgétaire en-deçà des 3% à l’horizon 2012. Autant dire des objectifs idéalistes, sinon irréalistes, ayant peu de chances d’être atteints dans les délais impartis…
Après des mois de tractations, qui ont plus mis en avant une « désunion économique et monétaire » qu’autre chose, la phase de mise en œuvre du plan d’assistance focalise aujourd’hui toutes les attentions. Pour le gouvernement grec, le plus dur reste désormais à faire : appliquer les mesures de rigueur nécessaires à la restauration de la crédibilité budgétaire afin de dégonfler significativement les déficits…
Didier Lacaze, analyste financier SFAF