Marine Le Pen, héritière combative mais battue

Battue dimanche par le centriste pro-européen Emmanuel Macron, la patronne de l’extrême droite française Marine Le Pen n’est pas parvenue à conquérir la présidence de la République mais a réussi à inscrire son parti dans le paysage politique.

Quinze ans après l’échec de son père Jean-Marie Le Pen, la candidate du Front National (FN), 48 ans, a recueilli moins de 35% des voix (contre plus de 65% à son rival) selon les premières estimations. Elle comptait bien, pourtant, bénéficier de la vague populiste qui a conduit les Britanniques à voter pour le Brexit et les Américains à élire Donald Trump.

Mais son score inédit, qui témoigne de la poussée nationaliste en Europe, montre qu’elle a réussi à faire du FN, hostile à l’UE et à l’immigration, un parti « comme les autres ».

Grande blonde à la voix tonitruante, cette avocate de formation mène depuis plusieurs années une stratégie de « dédiabolisation » de cette formation créée en 1972, pour lisser une image longtemps sulfureuse entretenue par les saillies antisémites et xénophobes de son père.

Depuis son accession à la tête du FN en 2011, à la suite de son père avec lequel elle est désormais brouillée, cette battante a écarté les cadres les plus marqués : militants antisémites, nostalgiques de l’Algérie française – voire de la collaboration avec l’Allemagne nazie – ou catholiques intégristes.

Cette stratégie a payé : le Front National a constamment progressé à chaque élection.

Pour conquérir l’Elysée, celle qui se décrit comme une « femme de caractère parfois abrupt », s’est efforcée d’adoucir sa propre image, à coups d’anecdotes personnelles, d’affiches sur « La France apaisée » ou de photos avec ses chats.

Elle a fait campagne contre « le mondialisme jihadiste et le mondialisme économique », se présentant comme la « candidate du peuple » et des « patriotes » face au « candidat de la finance » Emmanuel Macron, ex-ministre de l’Economie et ex-banquier d’affaires.

Son projet : en finir avec l’euro, taxer les produits importés. Mais aussi sortir la France des accords de libre-circulation de Schengen ou expulser les étrangers fichés pour radicalisation.

Ces thèmes ont trouvé un écho chez de nombreux Français confrontés au chômage et à la peur du déclassement, notamment dans les zones rurales et les périphéries urbaines.

Elle a néanmoins entretenu le flou en fin de campagne sur une sortie définitive de l’euro, plaidant en faveur d’un retour à une monnaie nationale pour le quotidien des Français et d’un euro toujours en vigueur pour les échanges internationaux.

Dans l’espoir de convaincre les nombreux indécis, elle a durci son discours sur l’immigration à la veille du premier tour et multiplié les attaques contre son rival. Leur duel télévisé, d’une brutalité inédite, a marqué l’apogée de ses invectives – suivie de sa baisse dans les sondages.

Dans ses réunions publiques, ses paroles, bues par des partisans de tous âges et de tous milieux sociaux, sont traditionnellement ponctuées par un slogan scandé à gorge déployée : « On est chez nous ! ». Un « cri de xénophobie », selon ses adversaires. « Un cri d’amour » pour la France, rétorque-t-elle.

Soupçonnée d’avoir fait bénéficier des collaborateurs d’emplois fictifs au Parlement européen, elle a refusé de répondre à une convocation des juges, dénonçant une « cabale politique ». La justice française a demandé au Parlement européen de lever son immunité.

En quête de crédibilité internationale, elle a fait plusieurs déplacements qui lui ont permis quelques coups d’éclat.

En janvier, elle s’est affichée dans le hall de la Trump Tower à New York, sans pour autant rencontrer le président élu. Au Liban en février, elle a refusé de porter le voile pour rencontrer le mufti de la République. Fin mars, elle s’est entretenue avec Vladimir Poutine à Moscou.

Mais des déclarations rejetant la responsabilité de la France dans une rafle de juifs à Paris sous l’occupation nazie, pourtant officiellement reconnue depuis 1995, ont réveillé des images oubliées, suscitant les foudres d’Israël.

La benjamine des trois filles Le Pen, mère de trois enfants, deux fois divorcée et aujourd’hui en couple avec un des vice-présidents du parti, n’était pas destinée à la politique. Sa soeur Marie-Caroline devait à l’origine reprendre le flambeau d’un parti dominé pendant près de quarante ans par leur père.

Mais la vie politique tumultueuse du FN et les brouilles familiales lui ont ouvert la voie.

AFP

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