Le sort du Premier ministre François Fillon, présent à Matignon depuis l’arrivée de Nicolas Sarkozy à l’Elysée en 2007, alimente les spéculations depuis le début de l’été.
Mais les analystes soulignent que son départ éventuel pourrait nuire au chef de l’Etat, dont la cote de popularité est au plus bas.
Dans le doute sur leur avenir, les ministres doivent aussi s’adapter au régime minceur imposé par l’Elysée à leurs cabinets, contraints de réduire drastiquement le nombre de leurs conseillers, ce qui a ajouté de l’irritation à la morosité ambiante.
Le président de la République a confirmé à la mi-juillet son intention de procéder à un remaniement une fois la réforme des retraites votée au Parlement, le secrétaire général de l’Elysée Claude Guéant précisant que le nouveau gouvernement nommé vers la fin octobre devrait être "plus resserré" que l’actuel.
Nicolas Sarkozy a justifié ce changement par le début d’une "nouvelle étape" de son action politique, avec une élection présidentielle 2012 qui se profilera à un horizon de 18 mois.
Les termes employés posent clairement la question du remplacement de François Fillon. "Quitte à remanier, il vaut mieux que ce soit spectaculaire pour que cela ait un sens", dit Ga‰l Sliman, directeur de l’institut BVA Opinion.
"Tous les ministres étant alignés sur le président de la République, cela veut dire sortir le Premier ministre. Mais cela signifie alors enlever un pôle de popularité" au sein du pouvoir", ajoute-t-il
"RISQUE POLITIQUE REEL"
François Miquet-Marty, directeur de l’institut Viavoice, va dans le même sens en estimant qu’une remaniement épargnant François Fillon risquerait d’être assimilé dans l’opinion à un "replâtrage" au lieu du nouveau souffle attendu.
Mais il fait valoir que le Premier ministre est populaire dans la majorité comme dans l’opinion et que "se séparer de quelqu’un qui donne satisfaction présenterait un risque politique réel", surtout qu’il incarne la "rigueur" – il est le seul à avoir osé le mot – en matière de réduction des déficits.
Fin juillet, l’intéressé se déclarait sur Europe 1 disposé à "tourner la page de Matignon" si Nicolas Sarkozy le décidait, ajoutant avec une pointe d’ironie : "Cela fait trois ans et trois mois qu’on annonce mon départ tous les six mois, alors je commence à m’habituer."
Depuis cet été, le nom qui revient le plus souvent pour lui succéder éventuellement à Matignon est celui de la ministre de la Justice, Michèle Alliot-Marie.
Son choix présenterait un triple avantage : celui d’une femme, qui ferait pendant à Martine Aubry au Parti socialiste, d’une représentante de la droite classique à même de rassurer son électorat et enfin d’une gaulliste historique qui pourrait faire barrage aux velléités villepinistes.
Autre poids lourd du gouvernement actuel, le ministre de l’Environnement Jean-Louis Borloo n’a jamais caché son intérêt pour Matignon. Mais son étiquette centriste est un handicap dans l’environnement actuel, où Nicolas Sarkozy entend en priorité remobiliser à droite.
REMANIEMENT AUSSI A L’ELYSEE ?
Etoile montante du sarkozysme, d’où son choix pour conduire la réforme des retraites, le ministre du Travail Eric Woerth aurait constitué un choix plus évident en d’autres temps.
Mais les soupçons de conflit d’intérêt qui pèsent sur lui en marge de l’affaire Bettencourt l’ont affaibli au point que la question de son maintien au gouvernement paraît ouverte malgré le soutien que lui a témoigné publiquement Nicolas Sarkozy.
Parmi les ministres donnés partant figurent Bernard Kouchner (Affaires étrangères) et Patrick Devedjian (Relance), voire Hervé Morin (Défense), qui ne cache pas sa volonté de se lancer dans la campagne pour l’élection présidentielle de 2012.
Les secrétaires d’Etat Fadela Amara (Ville), Jean-Marie Bockel (Justice) et Dominique Bussereau (Transports), qui entend quitter le gouvernement, figurent aussi sur cette liste.
Le nom du maire de Bordeaux, Alain Juppé, a été cité pour succéder à Bernard Kouchner au Quai d’Orsay, qu’il a déjà dirigé de 1993 à 1995. L’arrivée de cette autre figure du gaullisme nécessiterait des ajustements avec l’Elysée, où Claude Guéant à la haute main sur les affaires africaines et proche-orientales.
Les spéculations sur le remaniement ministériel se sont accompagnées d’autres sur des changements dans les conseillers de la présidence. Raymond Soubie pourrait passer la main après le vote de la réforme des retraites.
Le conseiller de Nicolas Sarkozy chargé des dossiers sociaux "a toujours dit qu’il ne resterait pas tout le quinquennat", dit-on à l’Elysée.