Saint-Pierre des Roms contre Sarkozy (Libération)

L’Eglise française emboîte le pas au pape, qui a condamné à mots couverts ce week-end la politique sécuritaire du Président

Saint-Pierre des Roms contre Sarkozy (Libération)
La formulation est un peu contournée, mais on peut conclure des propos de Benoît XVI, dimanche, lors de la prière de l’Angelus, qu’il condamne la politique sécuritaire de Nicolas Sarkozy. «Les textes liturgiques de ce jour nous redisent que tous les hommes sont appelés au salut, a-t-il déclaré. C’est aussi une invitation à savoir accueillir les légitimes diversités humaines, à la suite de Jésus venu rassembler les hommes de toute nation et de toute langue.» Benoît XVI a incité enfin les «parents» à «éduquer [leurs] enfants à la fraternité universelle». Décryptage du père jésuite Henri Madelin (lire page 3) : «Que le pape se mette à faire un discours en français et aux Français [un groupe de pèlerins venus lui rendre visite, ndlr] veut dire "on observe de loin ce que fait la France et on n’est pas content".»

«Peur». Fin juillet déjà, Raymond Centène, l’évêque de Vannes, responsable de la Pastorale des gens du voyage, et Claude Schockert, l’évêque de Belfort-Montbéliard, en charge du Service national de la pastorale des migrants, avaient condamné la «surenchère sécuritaire» du Président. «Nous sommes convaincus que le remède à la peur et à l’insécurité […] passe par une action de longue haleine nourrie de respect et de connaissance réciproques», avaient-ils écrit dans un communiqué commun. Dimanche, Christophe Dufour, l’archevêque d’Aix-en-Provence et Arles, a appelé au respect de la «dignité» des personnes et dénoncé les «discours sécuritaires» du gouvernement après avoir été témoin, jeudi, d’une expulsion de Roms de leur campement.

Hier, la polémique a enflé avec le coup d’éclat du père Arthur, prêtre lillois et défenseur des Roms, qui a renvoyé sa médaille du mérite et déclaré qu’il allait «prier» pour que Sarkozy ait une «crise cardiaque», avant de regretter ces propos. «Mon désir, c’est que Dieu parle à son cœur. Je ne veux pas sa mort», a-t-il corrigé.

Dans le même temps, Stanislas Lalanne, évêque d’Avranches et Coutances, déclarait sur Europe 1 que «le travail de l’Eglise, c’est d’éveiller les consciences». Marc Stenger, évêque de Troyes et président de Pax Christi (Mouvement catholique international pour la paix), prépare de son côté «un texte de prise de position» : «Je ne suis pas en parfait accord avec les récentes mesures sur les migrants, les Roms, l’histoire des gens à qui on enlèverait leur nationalité et tout ça.»

Bras de fer. Entre le locataire de l’Elysée et l’épiscopat français, les questions d’immigration, intégration et citoyenneté sont une pomme de discorde ancienne. En 2006, une loi sur l’immigration durcissant les conditions d’entrée et de séjour des étrangers, portée par le ministre de l’Intérieur Sarkozy, donne lieu à des échanges tendus avec les évêques. En 2007, nouveau texte et nouvelle fâcherie. Cette fois, c’est le projet de soumettre les candidats au regroupement familial à des tests ADN qui suscite la colère des catholiques.

Avec ses saillies contre les gens du voyage et les Roms, et son souhait de voir certains criminels «d’origine étrangère» déchus de la nationalité française, Nicolas Sarkozy s’est-il définitivement aliéné le Pape, les évêques, et tous les paroissiens ? «Chez les catholiques pratiquants, le FN fait des scores en dessous de la moyenne nationale», observe Henri Madelin. Comprendre que les effets de manche sécuritaires du chef de l’Etat le desservent plutôt. Il semble d’ailleurs qu’une partie des catholiques prenne ses distances vis-à-vis du pouvoir. Selon l’Ifop, le taux de catholiques pratiquants satisfaits de l’action du Président est passé de 61% en août 2009 à 47% en juillet 2010.

Nicolas Sarkozy semble avoir pris acte de ce désenchantement. Hier, Brice Hortefeux s’est dit disposé à recevoir le cardinal André Vingt-Trois. «Dans les prochaines semaines», a répondu ce dernier, rappelant qu’il «rencontre régulièrement» le ministre de l’Intérieur. «La position de l’Eglise est claire, et elle a été rappelée dimanche par le pape : […] le respect des personnes est impératif, il faut être disponible à une solidarité effective.»

Faut-il s’attendre à un nouveau bras de fer entre l’Eglise et l’Elysée, fin septembre, lors de la présentation au Parlement de la loi Besson sur l’immigration ? D’ores et déjà, la Pastorale des migrants – service de la Conférence des évêques de France – et Pax Christi mobilisent contre plusieurs dispositions du texte. Et c’était avant que le gouvernement n’annonce que les amendements sur la déchéance de la nationalité pourraient y prendre place.

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