Les Mauritaniens appelés à trancher sur une réforme constitutionnelle controversée

Les Mauritaniens votent samedi pour un référendum constitutionnel controversé prévoyant notamment la suppression du Sénat, dans un climat alourdi par des accusations réciproques entre le président Mohamed Ould Abdel Aziz et des sénateurs frondeurs et par l’appel au boycott de l’opposition radicale.

Elaborée en septembre-octobre lors d’un dialogue entre le pouvoir et l’opposition dite modérée, cette révision porte sur le remplacement du Sénat par des Conseils régionaux élus, la suppression de la Haute cour de justice, du médiateur de la République et du Haut conseil islamique, et une modification du drapeau national.

Quelque 1,4 million de Mauritaniens sont appelés aux urnes de 07H00 à 19H00 GMT, les résultats étant attendus en début de semaine prochaine.

Jeudi après-midi, la police a à nouveau dispersé à coups de gaz lacrymogènes des manifestants qui tentaient de se rassembler dans trois quartiers de Nouakchott.

La campagne –émaillée de tensions, voire de violences, lors de rassemblements de l’opposition radicale, engagée dans un "boycott actif" du scrutin– s’est achevée jeudi avec un ultime meeting du chef de l’Etat.

Devant une foule réunie dans le centre de la capitale, le président de 60 ans a accusé de "prévarication" les sénateurs opposés à la révision de la Constitution.

"Ces gens ont par leurs propres dires procédé à des partages d’argents pris sur des hommes d’affaires pour saper les institutions du pays", a déclaré.

Selon des observateurs, ses accusations sont fondées sur des "enregistrements WhatsApp" interceptés par les services de renseignement sur le téléphone d’un sénateur qui évoquait des besoins d’argent auprès d’interlocuteur que l’on pense être un homme d’affaires réfugié au Maroc.

Assurant qu’il ne leur présenterait "jamais" d’excuses, M. Ould Abdel Aziz a une nouvelle fois accusé les sénateurs d’avoir "trahi la nation", appelant la foule à décréter la dissolution du Sénat "qui coûte très cher et ne correspond à rien, à aucun besoin".

Il a aussi promis le lancement de "procédures (judiciaires) afférentes à des dossiers beaucoup plus graves", sans plus de détails.

A Genève, le Bureau des droits de l’homme de l’ONU s’est dit "préoccupé par les troubles qui précèdent le référendum (…), en particulier l’apparente suppression de certaines voix dissidentes et l’utilisation rapportée d’une force excessive par les autorités contre les dirigeants qui protestent contre le referendum".

L’opposition radicale, regroupée au sein d’une alliance, a dénoncé une "mascarade sans objet et dont les desseins cachés sont évidents", en référence aux intentions qu’elle prête à M. Ould Abdel Aziz.

Elle considère comme un "passage en force" sa décision de soumettre à référendum la révision constitutionnelle, pourtant rejetée par la voie parlementaire, craignant un précédent qui pourrait faciliter à terme une modification de la limitation à deux du nombre de mandats présidentiels.

Des sénateurs poursuivent leur sit-in

Le chef de l’Etat s’est engagé à plusieurs reprises à ne pas toucher à la limite du nombre de mandats. Mais l’opposition motive ses inquiétudes par les déclarations de ministres ou de proches du président en faveur d’un troisième mandat de M. Ould Abdel Aziz.

Arrivé au pouvoir par un coup d’Etat en 2008, cet ancien général a été élu en 2009, puis réélu en 2014 pour cinq ans.

En mars, la révision a été adoptée par l’Assemblée nationale, mais rejetée par le Sénat.

Une vingtaine de sénateurs poursuivaient jeudi leur sit-in, entamé la veille, au sein du Parlement placé sous haute surveillance policière, afin d’exiger que M. Ould Abdel Aziz leur présente ses excuses pour les avoir accusés de corruption et renonce au référendum.

Ils se sont plaint jeudi de ne pouvoir recevoir ni visites, ni repas. Par solidarité, des députés de l’opposition ont entamé un mouvement similaire.

En raison de son boycott, l’opposition radicale est exclue du temps d’antenne de la campagne officielle, à l’exception d’un parti, la Convergence démocratique nationale (CDN).

Toutes les autres formations militent pour le oui, qui se taille donc la part du lion dans les médias, a souligné le chef du CDN, Mahfoudh Ould Bettah, déplorant "une campagne difficile et inégalitaire en termes de répartition du temps d’antenne", ainsi qu’un "manque de neutralité de l’administration et de l’armée".

Les Mauritaniens voteront samedi dans deux urnes: l’une pour les principaux amendements et l’autre pour la modification du drapeau, auquel seraient ajoutées deux bandes rouges, symbolisant le sang des "martyrs de la résistance" à la colonisation française. La Mauritanie a proclamé son indépendance en 1960.

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