Les archives secrètes de la France dépeignent Bouteflika en « Machiavel imbu de lui-même et corrompu »

« L’Obs » a eu accès aux rapports des services français et révèle que ces derniers dépeignent Abdelaziz Bouteflika en « Machiavel imbu de lui-même et corrompu ».
« Un personnage dénué de scrupules, doté d’une intelligence aiguë et d’une très grande ambition, capable de risquer sa mise sur un seul coup », selon les rapports des services français.

"Bien avant d’être un président grabataire, Abdelaziz Bouteflika a été le plus jeune ministre des Affaires étrangères du monde, surveillé de près par les services français", souligne l’Obs dans cette longue enquête consacrée au président algérien qui se présente pour un cinquième mandat.

" Quel contraste avec l’homme qu’il est devenu ! Et pourtant quel écho au temps présent dans ces documents historiques : coups bas, manigances, huis clos insondable au sommet de l’Etat, soupçons d’enrichissement personnel… comme si rien ou presque n’avait changé ", note l’Obs.

Pour l’Obs, « Abdelaziz Bouteflika – qui, à 82 ans, briguera de "manière insensée" un cinquième mandat présidentiel en avril prochain – "n’a pas toujours été ce vieillard grabataire manifestement incapable de diriger son pays".

Dans les années 1960 et 1970, alors ministre des Affaires étrangères de la jeune Algérie révolutionnaire, il était l’un des personnages les plus en vue de la scène internationale. Les plus espionnés aussi. Surtout par les services de renseignement et les diplomates français, dont "l’Obs" a étudié les notes, certaines déclassifiées à sa demande.

On découvre un Bouteflika adepte des manigances et des coups bas: Coup d’Etat contre Ben Bella, conspiration contre l’épouse de Boumediene, puis contre ce dernier…

Selon l’hebdomadaire, en pleine guerre froide, et alors que Moscou courtise ce leader des non-alignés, Paris pense avoir trouvé un allié de poids en la personne d’Abdelaziz Bouteflika, à qui on reconnaît alors un statut de "second personnage du régime". "Lui-même n’hésite pas à souligner lors d’un entretien avec le ministre Louis de Guiringaud qu’il continue, "comme tous les Algériens, à considérer l’Algérie comme la fille spirituelle de la France".

"Une note du Sdece du 25 septembre 1965 se félicite, poursuit l’Obs qui cite : "Le jeune farfelu d’autrefois a fait place à un homme politique qui croit vraiment à la coopération entre son pays et la France. […] Bouteflika a grandement évolué. Alors que, pour lui, Castro était autrefois l’exemple à suivre, il ne qualifie plus le chef de l’Etat cubain que de fou furieux." Paris peut donc bien ajouter quelques motards à son escorte".

Une idylle avec Jean Seberg

Mais la relation privilégiée qui s’instaure ne protégera pas le ministre des intrigues algériennes. Son mentor, le président Boumediene, "a lui-même donné des ordres pour [qu’il soit] surveillé", souligne l’hebdomadaire, avant d’ajouter: "Un espionnage qui "a surtout pour but de recueillir des éléments sur les écarts de mœurs".

La réputation de séducteur du ministre est notoire. On lui prêtera même une idylle avec la comédienne Jean Seberg. Pendant des années, rien ne semble pouvoir l’atteindre, croit savoir l’Obs.

"Pourtant, à la mort de Boumediene, en décembre 1978, les rouages se grippent, poursuit l’hebodmadaire. L’armée ne soutient pas Bouteflika pour la succession. L’héritier présumé est non seulement écarté de la présidence, mais, en quelques mois, de toute fonction politique. Il est "le seul grand vaincu" de la transition. et une "instruction présidentielle ordonne la liquidation de toute son équipe."

Bouteflika se retire en Suisse. Coup fatal : la Cour des Comptes algérienne l’accuse, en 1983, d’avoir détourné de fortes sommes d’argent provenant des reliquats budgétaires des ambassades. Il nie. Et tient à défendre son honneur dans une lettre transmise à Paris. Mais les Français ne doutent guère du bien-fondé des accusations, ajoute l’hebdomadaire.

"La corruption de Bouteflika était de notoriété publique", lit-on dans un télégramme du 17 mai 1983 qui annonce sa première condamnation. "Toute la lumière n’a pas été faite sur ses agissements", souligne-t-on dans la même correspondance, mais "des sanctions pénales devraient logiquement suivre", affirme l’ambassadeur Guy Georgy.

"L’ambassadeur ne se doutait probablement pas qu’Abdelaziz Bouteflika assouvirait un jour son rêve de pouvoir suprême. Et qu’en 1999, après une très longue traversée du désert, il accéderait à la présidence du pays. Vingt ans plus tard, son clan l’y maintient encore. Jusqu’en 2024, espère-t-il", souligne l’Obs.

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