"Je suis ici comme un frère": cette déclaration du pape est reprise par toute la presse émiratie. Le chef des 1,3 milliard de catholiques dans le monde doit avoir un entretien privé lundi avec le prince héritier d’Abou Dhabi, Mohammed ben Zayed Al-Nahyane, homme fort des Emirats, qui s’enorgueillit de la "coexistence pacifique" entre les religions dans son pays.
Le souverain pontife devrait évoquer avec lui la situation au Yémen voisin, théâtre de la pire crise humanitaire au monde selon l’ONU en raison d’une guerre qui dure depuis quatre ans.
Juste avant de s’envoler pour Abou Dhabi, le souverain pontife a pressé les parties impliquées dans le conflit au Yémen de "favoriser de manière urgente le respect des accords établis" en décembre, sous l’égide de l’ONU, pour une trêve dans la ville portuaire de Hodeida, essentielle à l’acheminement de l’aide internationale.
Les belligérants yéménites s’accusent de violer la trêve. Les Emirats sont, pour leur part, critiqués par des ONG pour leur intervention militaire au Yémen depuis 2015, aux côtés de l’Arabie saoudite, et contre des rebelles soutenus par l’Iran. La population yéménite paye un lourd tribut et "de très nombreux enfants souffrent de la faim", a rappelé le souverain pontife.
François et le prince héritier d’Abou Dhabi devraient aussi aborder une préoccupation commune: le terrorisme, avec une condamnation claire de la haine et de la violence. Les autorités émiraties répriment toute exploitation politique de la religion, en particulier par les islamistes de la mouvance des Frères musulmans.
En septembre 2014, les Emirats avaient rejoint la coalition internationale antijihadiste en Syrie et, deux mois plus tard, pour bien montrer leur "tolérance zéro" à l’égard de "l’extrémisme", ils avaient interdit 83 groupes qualifiés de "terroristes". Le pape a déjà sommé le monde musulman (dirigeants politiques, religieux et universitaires) de condamner sans ambiguïté le terrorisme, source d’islamophobie.
Les autorités émiraties, qui ont déclaré 2019 "Année de la Tolérance", soignent leur image et sont fières de compter une population composée à plus de 85% d’expatriés de toutes les nationalités et de toutes les religions. "Une terre qui cherche à être un modèle de cohabitation", selon le pape.
Son déplacement aux Emirats, de dimanche à mardi, suivi fin mars d’un voyage éclair au Maroc, devrait permettre au souverain pontife de réitérer ses appels à la tolérance, la liberté religieuse, la fraternité et la paix. Le dialogue interreligieux, tout particulièrement avec l’islam, est devenu un thème majeur des six premières années de sa papauté.
Le pape célèbrera mardi une messe dans un stade de la capitale, "événement quasi inespéré" pour les fidèles catholiques, très majoritairement des travailleurs immigrés asiatiques des Philippines et d’Inde, décrit le Saint-Siège. Quelque 135.000 billets ont été distribués pour l’intérieur du stade. L’extérieur aussi devrait déborder de fidèles, lesquels seront salués par François en "papamobile".
Dans ce pays observant un islam plus modéré que ses voisins, la présence de lieux de culte chrétiens fréquentés par des étrangers est tolérée, à condition que ces derniers restent discrets et évitent le prosélytisme. Environ un million de catholiques vivent aux Emirats arabes unis, soit près de 10% de la population. Le pays compte le plus grand nombre d’églises catholiques de la région, avec huit.