Lagarde : un orteil dans le Tapie
être condamné à cause de Bernard Tapie, on frôlerait la tautologie. Christine Lagarde n’est pas encore dans la nasse. Mais la directrice générale du FMI et ancienne ministre de l’Économie va subir une enquête de la commission d’instruction de la Cour de Justice de la République (CJR), validée hier, pour « complicité de faux » et « complicité de détournement de biens publics » dans l’affaire Tapie – Crédit Lyonnais.
L’affaire Tapie – Crédit Lyonnais ? Ouh là, mon pauvre ami ! Pour connaître les tenants et les aboutissants de ce micmac à trois bandes, ou pire les avoir suivis depuis l’origine, il faut être d’une mémoire et d’un âge respectables. Le carambouillage n’est pas aussi vieux que les emprunts russes, mais tout de même.
Depuis près de vingt ans, l’ex-« Nanard » triomphant, symbole déchu des années fric facile, disons pré-bling-bling, pleure à l’arnaque : en 1993, il vend Adidas à un groupe d’investisseurs dont le Crédit Lyonnais pour 315,5 millions d’euros, qui le cède un an et demi plus tard à Robert-Louis Dreyfus pour 701 millions. On ne versera pas une larme mais ça ne se fait pas. Même à un expert comme Bernard Tapie.
Christine Lagarde est loin de tout cela, mais quinze ans plus tard, en 2008, un tribunal arbitral privé (choix en cause aujourd’hui) condamne le repreneur public de feu le Crédit Lyonnais à verser 285 millions d’euros à M. Tapie (400 avec les intérêts). La ministre de l’Économie avance la somme de 30 millions revenant à Tapie après déduction des impôts et des créances, mais on évoque 210 millions. Tollé.
Des députés socialistes sont à l’origine de la requête devant la Cour de Justice de la République, seule habilitée à juger des ministres en exercice. Sur son blog, le député PS Christian Eckert (Meurthe-et-Moselle) se réjouit et dénonce hier « des faux procès-verbaux ; une procédure inadaptée et interdite à l’État ; l’absence de recours ; l’État encaissant seul les pertes ; les 45 millions obtenus par Bernard Tapie au titre de préjudice moral, non imposables, en plus des autres sommes énormes que trois "arbitres" lui ont accordées ! » Sur Twitter, François Bayrou annonce « une étape décisive sur le chemin de la vérité ». Le président du MoDem vise là Nicolas Sarkozy qui, selon lui, n’a pu ignorer le délicat règlement du dossier Tapie. L’embarras se poursuit.
Question sous-jacente : Christine Lagarde peut-elle rester à la tête du FMI ? L’institution internationale, qui doit commencer à se lasser de ses Français, le confirme. Elle l’avait d’ailleurs choisie le 5 juillet en connaissance de cause. La longueur de la procédure de la CJR l’y encourage. Mais la Cour des comptes pourrait s’autosaisir de l’affaire. On n’a donc pas fini d’entendre parler de l’affaire Tapie – Crédit Lyonnais.
Christine Lagarde peut-elle rester à la tête du FMI ? L’institution internationale, qui doit commencer à se lasser de ses Français, le confirme.