La Tunisie, un an après le départ de Ben Ali

La fuite du dictateur après plus de 20 ans d’un règne sans partage a donné le coup d’envoi d’un printemps arabe qui s’est ensuite poursuivi en Egypte et en Libye avant de gagner la Syrie. Le clan Ben Ali a quitté le pouvoir en Janvier 2011 et des élections ont eu lieu en octobre 2011. Elles ont été remportées haut la main par le parti islamiste Ennahda.

La Tunisie, un an après le départ de Ben Ali
Les Tunisiens célèbrent samedi dans un climat d’espoir teinté d’inquiétude le premier anniversaire de la chute du président Zine el Abidine ben Ali, chassé du pouvoir par la rue après 23 ans d’un régime autoritaire. Cette Révolution du Jasmin a donné le départ du Printemps arabe, qui a notamment fait tomber le président Moubarak en Egypte et se poursuit dans plusieurs pays.

Le 14 janvier 2011, bravant l’Etat policier, des milliers de manifestants exaspérés par la tyrannie envahissaient l’avenue Bourguiba, la principale artère de Tunis, pour chasser l’homme qui depuis 23 ans les privait de libertés et de dignité. Le mot d’ordre était clair: "Dégage!"

Le jour même de sa fuite en Arabie saoudite, le président aurait menacé de "tuer 1.000 manifestants ou plus", a affirmé son ex-premier ministre Mohamed Ghannouchi, se déclarant "encore sous le choc" jeudi soir à la télévision nationale.

Le soulèvement avait commencé en décembre 2010 à Sidi Bouzid, dans le centre-ouest tunisien, avec l’immolation par le feu d’un jeune vendeur ambulant, Mohamed Bouazizi, poussé à bout par le harcèlement policier et administratif. Son geste de désespoir contre l’humiliation et l’injustice trouva immédiatement un écho dans tout le pays.

"Qui pouvait imaginer qu’un jour on allait pouvoir briser les chaînes qui nous étouffaient? Aujourd’hui, je respire la liberté, en dépit des difficultés qui restent à surmonter", confie le journaliste Mounir Souissi.

Neuf mois après le départ de Ben Ali, la Tunisie réussissait les premières élections libres de son histoire, remportées par les islamistes d’Ennahda ("Renaissance"), qui se présentent comme modérés. Le gouvernement, une coalition constituée par Ennahda et deux partis de centre-gauche, s’emploie à remettre sur les rails un pays qui fait en même temps l’apprentissage de la démocratie.

La tâche d’autant plus difficile que les troubles qui ont suivi le changement de régime ont aggravé un legs déjà lourd. Grèves et sit-ins persistants ont pratiquement paralysé des secteurs d’activité vitaux tels que celui des phosphates, dont la Tunisie est le cinquième producteur mondial. Du coup, le cortège des chô meurs est passé de 700.000 à plus de 800.000, dont quelque 200.000 diplô més.

Illustration dramatique du phénomène, les tentatives de suicide se sont multipliées début janvier, se soldant dans deux cas par le décès, d’un homme à Gafsa (centre) et d’une femme à Sfax (sud).

En visite à Kasserine, l’une des régions les plus défavorisées du centre du pays, où de nombreuses personnes ont été tuées dans la répression de la Révolution du Jasmin, le président Moncef Marzouki et le chef du gouvernement Hamadi Jebali ont été hués par une population exaspérée par "les promesses non tenues".

Malgré les embûches, les Tunisiens semblent plus confiants en l’avenir. Selon un sondage d’opinion réalisé par le Forum des sciences sociales appliquées, le taux d’optimisme a grimpé de 24% en avril 2011 à 40% début janvier 2012 (échantillon de 2.314 personnes, marge d’erreur non précisée).

"Nous sommes en train de prendre à bras le corps l’ensemble de la crise économique et sociale qui est (…) un très lourd héritage de la dictature et de cette année de transition", a souligné vendredi sur France Inter le président Marzouki, ancien opposant à Ben Ali. Il a évoqué la "re-création de la Tunisie", confrontée à "un tsunami de problèmes". "Aujourd’hui, la Tunisie est un vaste chantier de reconstruction" mais "90% de la Tunisie tourne", a-t-il assuré, "laissez-nous travailler!".

Soucieux de la réussite de la transition démocratique en Tunisie, perçue comme "la locomotive du Printemps arabe" mais dont le choix des islamistes aux élections a suscité des craintes, les pays occidentaux apportent leur soutien aux nouvelles institutions.

Tour à tour, les chefs de la diplomatie française, Alain Juppé, italienne, Giulio Terzi Sant’Agata, et allemande, Guido Westerwelle, se sont relayés début janvier à Tunis pour assurer les nouveaux dirigeants tunisiens de leur appui et insister sur la nécessité de respecter l’Etat de droit, les droits de l’Homme en général, de la femme et des minorités notamment religieuses en particulier.

"Le modèle tunisien aura un impact positif sur l’ensemble de la région arabo-musulmane en tant que modèle pionnier", a estimé M. Juppé.

Le ministre français considère "important, pour que le processus engagé en Tunisie aboutisse, que les difficultés économiques et sociales puissent être surmontées grâce notamment au soutien de la France, mais aussi de l’Union européenne". Le président de l’Institut du Monde arabe, Renaud Muselier, représentera la France aux cérémonies d’anniversaire samedi à Tunis.

Cô té allemand, M. Westerwelle a annoncé lors de sa visite la reconversion de la dette tunisienne, d’un montant de 60 millions d’euros, en projets de développement.

L’offensive a été confortée par la venue à Tunis également de sénateurs américains de poids.

Le premier anniversaire de la révolution tunisienne est également marqué par la venue d’un représentant du monde arabo-musulman de plus en plus actif sur la scène internationale: l’émir du Qatar, le cheikh Hamad ben Khalifa Al Thani, est arrivé à Tunis vendredi pour une visite de deux jours et la signature d’importants accords.

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