Pour tout Sénégalais Tijane, la ville de Fès a une place particulière. La capitale spirituelle du Maroc fédère des millions de Sénégalais. La moitié du Sénégal est adepte de cette voie religieuse soufie qui prône un islam éclairé et tolérant.
Dès son jeune âge, le Cheikh fondateur Sidi Ahmed Tijani (1737-1815) parcourt la péninsule arabique, se rend à la Mecque et apprend de ses rencontres et de ses voyages les voies sacrées des doctrines de l’Islam. Il choisit de s’installer au Maroc à Fès où il passera ses dernières années jusqu’à sa mort en 1815. Depuis, la ville devient annuellement un lieu de pèlerinage pour toute une communauté religieuse désireuse de se recueillir sur la tombe du Cheikh fondateur et surtout de perpétuer une tradition de foi, basée sur la tolérance, l’érudition et une saine et clairvoyante compréhensions des percepts fondateurs de l’Islam .
Dans la vision des Tijanes, "le plus important est l’invocation continuelle de Dieu, la bénédiction de son Prophète, la récitation du Coran, l’accomplissement en groupe des cinq prières, l’évitement du péché par la repentance et l’expiation", comme le soulignait le khalife général de la famille omarienne, une des familles les plus influentes de la Tariqa Tijania au Sénégal, Cheikh Madani Mountaga Tall.
On compte aujourd’hui quelques 400 millions de fidèles qui se réclament de la Tijaniya. Ils sont présents au Maroc, en Algérie, en Tunisie, en Mauritanie, au Sénégal, et partout en Afrique, en Europe mais aussi en Amérique et en Asie.
C’est dans cet esprit qu’il faut comprendre les déclarations de l’ancien Directeur général de l’Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture (UNESCO), le Sénégalais Amadou Moctar Mbow, qui affirme que »Si les relations entre le Maroc et l’Afrique sont très anciennes, elles se sont renforcées par la Tijaniya, en ce sens que des millions d’Africains considèrent le pèlerinage à Fès comme un devoir religieux pour compléter leur pèlerinage à la Mecque ».
C’est à ce titre que le rôle des zaouias est capital dans la pérennité des cultes et la diffusion des messages de paix et de fraternité. En effet, toutes les Zaouias, écoles de spiritualité et de sciences, sont un élément caractéristique de la Tijaniya en étant des vecteurs d’un message universel d’ouverture, de dialogue et de refus des clivages culturels.
C’est d’ailleurs, ce rôle religieux de la confrérie Tijaniya qui a permis au Maroc de consolider ses liens avec plusieurs pays africains. Certes, le Sénégal est proche du Royaume par cette filiation de culte, mais ce sont d’autres pays africains qui considèrent la ville de Fès comme le foyer d’un rayonnement spirituel qui met en lumière deux siècles de connaissance religieuse et de travail de mémoire.
Le Maroc, conscient de la place qu’occupent la tariqa Tijaniya en Afrique, remplit pleinement son rôle de creuset des civilisations et de pont mobile entre les peuples d’Afrique à travers une vision de l’Islam et du Soufisme qui s’articule autour de deux valeurs capitales, en l’occurrence, la modération et le partage.
La visite du Roi Mohammed VI au Sénégal comme première étape de sa tournée africaine en mars dernier, vient ainsi relancer des rituels qui cimentent les liens de fraternité entre les deux peuples, Marocains et Sénégalais. Dans ce sens, la Grande Mosquée de Dakar construite par le Maroc, remplit un rôle majeur dans le rapprochement entre les fidèles des deux pays.
Dans un message adressé au forum des adeptes de la Tijaniya, organisé en 2007 à Fès, SM le Roi Mohammed VI avait déclaré qu’ "il ne fait pas de doute que la Tariqa Tijaniya a un rôle pédagogique à jouer pour promouvoir l’éducation morale et spirituelle, purifier les âmes par l’élimination des facteurs de division et de scission et prêcher, en retour, les vertus de la concorde et de l’unité ». Une unité africaine qui, souvent, peine à se concrétiser, mais dont la spiritualité pourrait être un socle solide.
Il s’agit ainsi d’un axe important des relations séculaires entre Rabat et Dakar. Un axe d’autant plus crucial qu’il est motivé par une commune profession de foi dont l’objectif premier est de véhiculer des valeurs humaines centrées sur le respect des autres religions et sur le dialogue multiculturel.