L’Algérie attend la réponse du camp présidentiel aux manifestations massives
Le président algérien Abdelaziz Bouteflika, confronté à une contestation sans précédent en 20 ans de pouvoir, a limogé samedi son directeur de campagne, une possible réponse aux manifestations massives de la veille réclamant qu’il renonce à briguer un 5e mandat le 18 avril.
Aucune explication n’a été donnée à ce changement au lendemain de manifestations monstres à Alger et dans le reste de l’Algérie et à moins de 36 heures de l’expiration du délai de dépôt des dossiers de candidature à la présidentielle, dimanche minuit (23H00 GMT).
Aucun responsable algérien n’a jusqu’ici réagi officiellement à l’imposante mobilisation des Algériens vendredi, à travers le pays, pour dire leur rejet de la perspective d’un 5e mandat de M. Bouteflika, au pouvoir depuis 1999, qui célèbre ses 82 ans ce samedi.
Hospitalisé en Suisse depuis six jours, officiellement pour "des examens médicaux périodiques", le retour en Algérie du chef de l’Etat n’a toujours pas été annoncé.
Aucune disposition légale ne semble cependant obliger un candidat à se présenter en personne au Conseil constitutionnel pour y déposer son dossier.
– "Fusible" –
En l’absence physique de M. Bouteflika, qui ne s’est pas adressé aux Algériens depuis un AVC en 2013 et qui n’apparaît plus que rarement en public, M. Sellal se retrouvait en première ligne depuis le début de la contestation et pourrait avoir servi de "fusible", a expliqué à l’AFP un observateur ayant requis l’anonymat.
"Son limogeage pourrait être une première réponse" à cette contestation qui vise directement M. Bouteflika depuis une semaine, "mais ça risque d’être un peu court", a-t-il estimé.
Son remplaçant Abdelghani Zaalane, haut fonctionnaire de 54 ans qui a fait carrière dans l’administration préfectorale, en tant que secrétaire général de wilayas (préfecture) puis de wali (préfet) notamment d’Oran, deuxième ville du pays, est peu connu du grand public.
Toute la semaine, le camp présidentiel a réaffirmé que la contestation n’empêcherait pas le scrutin de se tenir dans les délais et que le dossier de candidature du chef de l’Etat serait remis dimanche au Conseil constitutionnel.
Les autorités "espèrent tenir jusqu’à dimanche, avec l’espoir qu’une fois la candidature de Bouteflika actée et rendez-vous donné dans les urnes, la contestation s’essoufflera", expliquait à l’AFP, avant les derniers défilés en date, un autre observateur sous le couvert de l’anonymat.
Difficile de savoir si la mobilisation exceptionnelle de vendredi peut changer la donne. "Ce n’est pas dans les habitudes de ce régime de céder à la rue", note cet observateur, "s’il recule sur la candidature, jusqu’où devra-t-il reculer ensuite?".
– Opposition inaudible –
En revanche, le risque que M. Bouteflika se retrouve sans adversaire crédible apparaît réel, alors que son camp entend démontrer la légitimé du chef de l’Etat dans les urnes le 18 avril.
Seuls trois petits candidats ont jusqu’ici déposé leur dossier de candidature, tandis que trois figures de l’opposition semblent tergiverser et que le Parti des Travailleurs (PT), petite formation d’extrême-gauche, a renoncé, en raison de la contestation, à présenter un candidat pour la première fois depuis 2004.
Le plus connu des trois candidats enregistrés est Abdelaziz Belaïd, 55 ans: transfuge du Front de libération nationale (FLN) – ex-parti unique et formation du président Bouteflika -, qu’il a quitté en 2011 pour créer le Front Al-Moustakbel, il a recueilli 3% des voix à la présidentielle de 2014.
Les deux autres sont des quasi-inconnus: Ali Zeghdoud, président du microscopique Rassemblent algérien (RA) et Abdelkrim Hamadi, un indépendant. Déjà candidats déclarés lors de précédentes présidentielles, leur dossier n’avait pas été validé.
L’opposition, inaudible et totalement absente du mouvement de contestation né des seuls réseaux sociaux, a brièvement tenté et en vain de se mettre d’accord sur un candidat unique.
Principal adversaire de M. Bouteflika aux présidentielles de 2004 et 2014, son ancien Premier ministre Ali Benflis annoncera dimanche s’il se porte ou non candidat. Tout comme Abderrezak Makri, président et candidat déclaré du Mouvement de la société pour la paix (MSP), principal parti islamiste qui a rompu en 2012 avec l’alliance présidentielle.
Ali Ghediri, général à la retraite débarqué sans parti fin 2018 de façon fracassante sur la scène politique en promettant notamment une "IIe République" et qui était extrêmement discret ces dernières semaines, déposera son dossier dimanche matin, a annoncé son coordinateur de campagne, Mokrane Ait Larbi sur le compte Facebook du candidat.
L’homme d’affaires Rachid Nekkaz, omniprésent sur les réseaux sociaux et qui draine des foules de jeunes enthousiastes, semble ne pas remplir les conditions d’éligibilité. Il dit avoir obtenu la perte de sa nationalité française, mais la loi électorale prévoit qu’un candidat ne doit jamais "avoir possédé une autre nationalité" qu’algérienne.
Une fois les dossiers déposés, le Conseil constitutionnel statuera dans les dix jours sur leur validité.