Gotabaya Rajapaksa, le « Terminator » élu président du Sri Lanka

"Escadrons de la mort", accusations de crimes de guerre et de corruption: le nouveau chef de l’État sri-lankais Gotabaya Rajapaksa, surnommé "Terminator", possède une image d’homme fort pour son rôle-clé dans la présidence de son frère Mahinda (2005-2015).

Lieutenant-colonel à la retraite, aux cheveux gris, Gotabaya était le chef militaire de fait lors de l’écrasement de la rébellion séparatiste de la minorité tamoule en 2009. Ce fait d’armes a mis fin à 37 ans de guerre civile et vaut au clan Rajapaksa une grande popularité au sein de la majorité ethnique cinghalaise de cette île d’Asie du Sud.

Mais cette ultime offensive a aussi donné lieu à un gigantesque bain de sang, loin des yeux du monde. Selon les estimations des défenseurs des droits humains, qui accusent les Rajapaksa de crimes de guerre, 40.000 civils tamouls ont péri dans les derniers mois du conflit.

"Gota", son diminutif, est aussi soupçonné d’avoir dirigé sous la présidence de son frère des "escadrons de la mort" – ce qu’il nie.

À bord de camionnettes blanches, une unité militaire spéciale a enlevé des dizaines de Tamouls, d’opposants politiques ou de journalistes. Certains des corps ont été ensuite jetés sur la route, d’autres n’ont jamais été retrouvés.

D’après Reporters sans frontières, durant cette "décennie noire", au moins 14 journalistes ont été assassinés "en lien avec leur travail".

Gotabaya Rajapaska "dirigeait un appareil sécuritaire national assez meurtrier. Quiconque s’opposait était +disparu+", expliquait à l’AFP l’analyste Paikiasothy Saravanamuttu avant l’élection.

‘Concentrez-vous sur le futur’

Durant la campagne électorale, le manque d’expérience politique de Gotabaya a été compensé par la présence à ses côtés de son charismatique grand frère Mahinda, empêché par la Constitution actuelle de se présenter au scrutin.

Mahinda Rajapaksa a été battu dans les urnes il y a cinq ans par une coalition d’opposants, alors qu’il briguait un troisième mandat présidentiel, et a tenté de devenir Premier ministre l’année dernière lors d’un coup de force qui a échoué.

Les observateurs s’attendent à ce qu’il prenne désormais la tête du gouvernement. Même s’il ne concourait pas en personne à la présidentielle, Mahinda reste la force motrice de la puissante famille.

Lors de la seule conférence de presse de Gotabaya en trois mois de campagne électorale, le candidat a dû se tourner vers son aîné lorsque des journalistes l’ont confronté à des questions ardues.

Le futur président a également balayé à cette occasion les allégations de crimes de guerre commis durant l’ultime offensive militaire contre les Tigres tamouls.

"Pourquoi parlez-vous tout le temps du passé ? Posez des questions sur le futur", a-t-il lancé à la presse. "Je tente de devenir président du futur Sri Lanka. Donc si vous vous concentrez sur le futur, c’est mieux."

Gotabaya Rajapaksa est actuellement en liberté sous caution dans une affaire de détournement de centaines de milliers de dollars de fonds publics, qu’il aurait utilisés pour construire un monument à ses parents durant la présidence de son frère.

Il dément également des accusations selon lesquelles il a perçu des millions de dollars de rétrocommissions lors de l’achat d’avions de seconde main à l’Ukraine en 2007. Il n’est pas inculpé à ce stade de l’enquête.

Un célèbre journaliste critique des Rajapaksa est mort assassiné en 2009 après un article accusant Gotabaya de corruption.

Le nouveau chef de l’État sri-lankais est visé par ailleurs aux États-Unis par une plainte, selon laquelle il a ordonné des actes de tortures sur des Tamouls lorsqu’il était au pouvoir.

Titulaire de la double nationalité sri-lankaise et américaine, ce qui l’aurait normalement empêché de se présenter à l’élection, Gotabaya Rajapaksa affirme avoir renoncé à sa nationalité américaine cette année afin de participer à la présidentielle.

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