Cette décision a été confirmée jeudi lors d’une conférence de presse par le président de la Cour des comptes, Didier Migaud, estimant que le niveau de salaire des enseignants "place la fondation dans un risque juridique, y compris pénal". Quant à la succession des fautes éventuellement imputables aux équipes dirigeantes des dernières années "l’écheveau des responsabilités est complexe", a rappelé M. Migaud. "Il appartiendra à la CDBF d’en démêler les fils et d’en désigner les responsables", a-t-il ajouté.
Une situation privilégiée
Dans son rapport rendu public jeudi, mais dont nombre de détails avaient fuité dans la presse, les sages de la rue Cambon mettent tout d’abord l’accent sur les dépenses réalisées par Sciences Po depuis 2005, justifiées par sa politique de croissance et d’innovation. Elles sont passées en cinq ans de 78,5 millions d’euros à 127,1 millions d’euros. Dans le même temps, le nombre d’étudiants de l’école a pratiquement doublé, passant, entre 2005 et 2011, de 4.923 à 8.539, dont 35% d’étudiants étrangers.
Les frais d’inscription, qui constituent désormais "la principale ressource propre de l’institution", selon le rapport, représentaient un revenu de 9,9 millions d’euros pour l’IEP en 2005 et ont été multipliés par trois pour atteindre 27,9 millions d’euros en 2010. Parallèlement, la subvention annuelle allouée par l’Etat à l’IEP, hors rémunération des enseignants-chercheurs sous statut public, a progressé d’un tiers depuis 2005 pour atteindre 63,6 millions d’euros en 2010. Une "évolution aussi favorable des dotations publiques" qui, estime le Premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, contraste avec celle qu’ont connue d’autres établissements d’enseignement supérieur sur la même période, alors qu’ils étaient empêchés par ailleurs de faire jouer l’augmentation des frais de scolarité à leur guise.
Des rémunérations opaques
Le rapport pointe surtout la "gestion laxiste" et "particulièrement opaque" des rémunérations du corps enseignant et des cadres dirigeants. La Cour des comptes souligne ainsi que les chercheurs et enseignants-chercheurs de Sciences Po jouissent d’une rémunération beaucoup plus favorable que dans la fonction publique, l’IEP n’étant soumis, contrairement aux autres établissements publics d’enseignement supérieur, "ni à un plafond d’emplois, ni à un plafond de masse salariale" en raison de son statut spécifique. L’école parisienne imbrique en effet la Fondation nationale des sciences politiques (FNSP), régie par le droit privé, et l’Institut d’études politiques (IEP), de droit public, et emploie à ce titre à la fois des contractuels de droit privé et des fonctionnaires de l’Etat.
En outre, le rapport relève nombre de "pratiques irrégulières" concernant les décharges d’enseignement et primes dont peuvent jouir les enseignants sous statut public. Selon la Cour des comptes, seules 65,70 % des heures de cours comptabilisées ont été réellement effectuées pour l’année 2010-2011 alors qu’aucune retenue sur salaire n’a été imposée à certains enseignants n’ayant pas rempli leur service obligatoire.
Quant à la rémunération de l’administrateur-directeur, fonction qui était occupée par le défunt Richard Descoings depuis 2006, elle a connu une hausse de 70%, passant de 315.311 ? brut par an en 2005 à 537.247 ? brut en 2010. Un niveau de rémunération "hors de proportion avec celui que perçoivent en France les dirigeants d’établissements publics d’enseignement supérieur", note le rapport. La rémunération moyenne d’un président d’université est comprise généralement entre 6.000 et 9.000 euros brut par mois, selon le rapport.