France: le gouvernement veut faire adopter sans vote sa réforme contestée du droit du travail
Confronté à la rébellion de députés de gauche, le gouvernement français a décidé mardi de faire adopter sans le vote du Parlement une réforme du droit du Travail qui suscite des manifestations à répétition depuis plus de deux mois.
Le président socialiste François Hollande a convoqué un Conseil des ministres extraordinaire en début d’après-midi pour discuter de ce projet de loi, présenté comme la dernière grande réforme de son quinquennat.
Le Premier ministre pourra engager la responsabilité de son gouvernement, peut-être dès le milieu d’après-midi. Selon l’article 49-3 de la Constitution, si aucune motion de censure n’est votée, le texte sera adopté sans plus de formalité.
L’opposition de droite, minoritaire à l’Assemblée nationale, a déjà annoncé qu’elle était prête à déposer une motion de censure et a appelé les députés de gauche hostiles à la réforme à être "cohérents" et à la voter.
Les députés socialistes "frondeurs" pourraient être réticents à faire tomber le gouvernement, mais cette hypothèse n’est pas totalement exclue. Ils vont se réunir pour décider "collectivement" de leur position, a fait savoir leur chef de file Christian Paul.
Ce psychodrame n’est que le dernier d’une longue série depuis le virage social-libéral entamé par le président Hollande à mi-mandat, puis son virage sécuritaire après les attentats de novembre à Paris (130 morts).
Il a été déclenché par une réforme du droit du travail qui vise, selon le gouvernement, à donner plus de souplesse aux entreprises pour lutter contre un chômage de masse (plus de 10%). Mais la réforme est jugée trop libérale par ses détracteurs qui craignent une aggravation de la précarité.
Depuis deux mois, ses opposants battent régulièrement le pavé. La mobilisation était à son comble le 31 mars avec 390.000 manifestants dans toute la France. Depuis les cortèges se sont réduits et radicalisés, avec plusieurs incidents violents.
Elle a aussi donné naissance à un mouvement social inédit, baptisé "Nuit Debout", qui se caractérise notamment par l’occupation de la Place de la République, dans le centre de Paris.
Mardi, les initiateurs de ces manifestations ont vivement reproché le choix du gouvernement. Recourir au 49-3 est une "insulte au peuple", un "déni de démocratie", selon le mouvement "Nuit debout".
"C’est vraiment un gouvernement autoritaire, socialement, économiquement, droit dans ses bottes", a ajouté Jean-Claude Mailly, secrétaire général du syndicat contestataire FO.
Partageant les inquiétudes des manifestants, plusieurs députés de gauche avaient indiqué qu’ils ne voteraient pas le projet de loi, à qui il manquait selon les derniers décomptes une trentaine de voix pour être adopté.
Une quinzaine d’entre eux ont été reçus mardi matin par le Premier ministre Manuel Valls pour tenter de rapprocher les positions.
La rencontre n’a pas porté ses fruits. Manuel Valls "n’avait visiblement pas l’envie d’aller vers un compromis", a accusé le député Christian Paul.
Ces propos ne sont pas "honnêtes intellectuellement", a rétorqué le chef du gouvernement, soulignant que le texte initial avait déjà été largement revu.
Peu après la rencontre, les ministres ont reçu la convocation pour leur réunion extraordinaire en vue d’un recours à l’article 49-3 de la Constitution, ont annoncé à l’AFP plusieurs d’entre eux.
En dégainant cette arme constitutionnelle, déjà utilisée en 2015 pour faire passer une réforme économique portée par le ministre de l’Economie Emmanuel Macron, le gouvernement – déjà très impopulaire – prend le risque de froisser encore plus son propre camp.
Il compromet encore plus les chances de la gauche pour la présidentielle de 2017, alors que François Hollande est englué dans une impopularité record avec seulement 15% d’opinions favorables.