Flottille pour Gaza : « On s’attend à tout »
A Athènes, le 28 juin, une dizaine de bateaux prendront part à une nouvelle « flottille de la liberté » pour Gaza, un an après l’arraisonnement d’un premier navire dans lequel neuf Turcs avaient trouvé la mort. Deux bateaux français, à bord desquels se trouveront notamment Olivier Besancenot et l’élu Europe Ecologie-Les Verts Henri Stoll, vont rejoindre le mouvement. Objectif : forcer le blocus imposé par Israël à la bande de Gaza depuis 2007.
Cette fois-ci, les organisateurs du mouvement comptent sur la présence de personnalités publiques pour dissuader Israël de répondre par la force. Sur les bateaux français, se trouveront notamment Olivier Besancenot, l’élu Europe Ecologie-Les Verts Henri Stoll, le député communiste du Havre Jean-Paul Lecoq et Julien Bayou, du collectif "Jeudi Noir" et désormais proche collaborateur d’Eva Joly. "On espère que la présence de ces personnalités publiques facilite un peu le passage et fasse réfléchir les autorités israéliennes", reconnaît ainsi Alain Bosc, précisant que leur présence permet aussi "d’attirer l’attention sur cette opération". "L’an dernier, il y avait aussi des personnalités publiques à bord, même un ancien prix Nobel de la Paix [la Nord-Irlandaise Mairead Corrigan, lauréate du Nobel en 1976, ndlr]. L’armée israélienne n’en a absolument pas tenu compte", rappelle toutefois le porte-parole du mouvement français.
Plus de 400 élus soutiennent le mouvement
En France, le mouvement a reçu le soutien de plus de 400 élus et responsables politiques, parmi lesquels le député UMP Etienne Pinte – seul élu de la majorité à soutenir ouvertement l’opération "Un Bateau pour Gaza – Cécile Duflot, Henri Emmanuelli ou encore Jean-Luc Mélenchon, ainsi que de nombreuses associations, telles que le MRAP ou le CCFD, et des partis politiques.
Interrogé par leJDD.fr, le député communiste Jean-Paul Lecoq, qui partira d’Athènes mardi, explique "ne pas vouloir abandonner les Gazaouis ". "On vit une époque assez particulière avec le printemps arabe. Les peuples aspirent à vivre autrement. Par notre action, nous souhaitons ne pas laisser Israël s’enfermer dans sa logique guerrière habituelle. C’est un acte politique fort pour que les dirigeants israéliens regardent le mouvement du monde autour d’eux. Et qui sait, des révolutions arabes découlera peut-être un printemps de la jeunesse israélienne", espère-t-il. Tout comme Jean-Paul Lecoq, c’est depuis qu’il s’est rendu dans le territoire palestinien que l’élu alsacien Europe Ecologie-Les Verts (EELV), Henri Stoll, candidat à la primaire du parti, a mesuré l’ampleur des restrictions vécues par les Gazaouis. "J’ai vu des choses que je pensais ne plus exister, des choses que je ne préfère pas décrire tellement elles m’ont horrifié. Israël humilie tous les jours les Palestiniens", explique-t-il.
"Que ce blocus immonde cesse"
Les participants au "Bateau pour Gaza" s’inscrivent en faux contre une quelconque récupération politique, alors que l’an dernier, le mouvement à l’origine de la flottille avait été critiqué pour sa proximité avec le Hamas. "Je suis écolo, chrétien, artisan de la paix. Le seul objectif de tous les gens qui vont là-bas est de faire en sorte que ce blocus immonde cesse, pour que les Gazaouis puissent enfin vivre normalement, comme tout être humain", insiste l’élu EELV. Même son de cloche du côté de Jean-Paul Lecoq, pour qui ce mouvement se veut "apolitique quant à la situation interne de la Palestine". "Il n’y a pas de connivence avec le Hamas. Nous n’avons pas de contact avec eux. Nous ne le soutenons pas. Il n’y a aucune hésitation à avoir", confirme Alain Bosc. "Si on arrive à Gaza, on sera évidemment reçu par des représentants de l’autorité du Hamas et on acceptera d’être accueilli par eux", précise-t-il toutefois.
Mais il s’agit bel et bien d’un mouvement politique. "C’est une action citoyenne, humanitaire et politique au sens noble du terme, à savoir porter un message universel", résume Jean-Paul Lecoq. Pour l’élu communiste, le message est également destiné au gouvernement français. "A travers ce bateau pour Gaza, le peuple français envoie un signe au gouvernement pour qu’il prenne position à l’ONU pour la reconnaissance d’un Etat palestinien", estime-t-il, alors que le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, entend demander en septembre lors de l’Assemblée générale de l’ONU la reconnaissance de son pays. "Peut-on imaginer un seul instant que cette question ait le moindre espoir d’avancer dès lors que le blocus de Gaza n’aura pas été levé?", relève l’élu du Havre.
"Un feu orange" du gouvernement français
Pour le porte-parole français du mouvement, il ne faut pas non plus se cacher derrière l’aspect humanitaire de cette flottille. Certes, des tonnes d’aides, notamment médicales, seront chargées à bord des navires mais il s’agit aussi d’une "démarche clairement politique". "Quand on demande que le blocus s’arrête, c’est une revendication politique. Idem quand on demande que le gouvernement israélien respecte le droit international. Il ne faut pas se voiler la face", explique-t-il. Henri Stoll espère lui que cela fera réagir la communauté internationale. "Je ne comprends pas pourquoi les résolutions qui concernent la Palestine ne sont jamais appliquées. Kadhafi, lui, on lui tire sur la gueule. Pourquoi a-t-on deux poids deux mesures?", s’interroge-t-il, alors que la résolution 1860 votée en août 2009 par les Nations unies demande la levée du blocus.
Le ministère français des Affaires étrangères a déconseillé aux participants de prendre la mer. "Mais Alain Juppé a ajouté qu’il n’avait pas d’argument juridique pour nous empêcher de le faire. On considère donc que c’est un feu orange", estime Alain Bosc. De son côté, Jean-Paul Lecoq a écrit au président de la République pour lui demander de mobiliser la flotte française qui se trouve sur zone, afin "d’accompagner la flottille et d’éviter les morts". Mais l’élu PCF attend toujours la réponse. Henri Stoll, lui, raconte avoir reçu des mails de menace issus de "mouvements israélites intégristes". "Ils m’ont dit ‘on ajoutera des morts aux morts’. C’est d’un cynisme!", confie-t-il au JDD.fr. Tous espèrent que "les dirigeants israéliens seront assez intelligents" pour ne pas recourir à la force. "Mais on s’attend à tout", prévient Alain Bosc, avant de conclure : "Quand on part en direction de Gaza, on sait qu’on prend un risque."
Jusqu’à présent, la grande inconnue du voyage demeurait la réponse de l’Etat hébreu. Mais, jeudi, Israël a réagi, se déclarant "déterminé à stopper la flottille". "Israël a le droit à l’auto-défense", a déclaré l’ambassadeur d’Israël à l’ONU, Ron Prosor, en marge d’une réunion du Conseil de sécurité sur le Moyen-Orient. La flottille "entre clairement dans le cadre d’une démarche politique", elle "ne présente rien de constructif" et relève de la "provocation", a-t-il ajouté, insistant sur le fait qu’elle n’avait "rien à voir avec une aide humanitaire".