La proposition de loi ordinaire a été adoptée par 45 voix contre 20.
"Face la multiplication des tentatives de manipulation, il est urgent d’agir", a lancé la ministre de la Culture Françoise Nyssen, donnée partante du gouvernement mais bien présente dans l’hémicycle pour défendre son texte.
"Tous les garde-fous ont été instaurés" et ce projet "ne restreint en rien la liberté d’expression", a-t-elle assuré alors que l’opposition et les associations de journalistes ont dénoncé un texte au mieux "inapplicable" et "inefficace", au pire "dangereux pour la liberté d’opinion".
Mais, "le premier rempart contre la désinformation et la manipulation de l’information restent les médias et les journalistes", a souligné Mme Nyssen en annonçant le lancement d’une mission en vue de la création d’un "conseil de déontologie de la presse", confiée à l’ex-PDG de l’AFP Emmanuel Hoog.
Les deux propositions de loi – ordinaire, et organique pour la présidentielle – visent à permettre à un candidat ou parti de saisir le juge des référés pour faire cesser la diffusion de "fausses informations" durant les trois mois précédant un scrutin national.
L’intervention du juge "sera encadrée. Pour qu’elle soit justifiée, l’information devra être manifestement fausse et diffusée de manière délibérée, massive et artificielle", a expliqué Françoise Nyssen visant "les nouvelles viralités de l’information" sur Internet et les réseaux sociaux.
Les propositions de loi entendent imposer aux plateformes numériques (Facebook, Twitter, etc) des obligations de transparence lorsqu’elles diffusent des contenus contre rémunération. Elles prévoient également des dispositions relatives à l’éducation aux médias et à l’information.
Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) pourra, quant à lui, "ordonner la suspension de la diffusion" d’un service "contrôlé par un état étranger ou sous l’influence" de cet état s’il "diffuse de façon délibérée de fausses informations de nature à altérer la sincérité du scrutin".
Les députés de gauche, l’UDI-Agi et Les Républicains ont dénoncé un texte inutile, "les fausses informations étant déjà réprimées par la loi sur la presse de 1881". Ils ont également pointé une définition non-aboutie d’une fausse information, la difficulté pour un juge de trancher dans l’urgence sur des situations complexes et dénoncé le pouvoir de censure exorbitant accordé au CSA.
"Nous doutons que la procédure de référé soit suffisante pour qualifier l’infraction. Cela fait peser sur le juge un enjeu assez lourd avec des risques de pression et d’instrumentalisation", a fait valoir Constance Le Grip (LR).
"Les bonnes intentions ne font pas forcément des bonnes lois", a abondé Marietta Karamanli (PS) pour qui la meilleure des solutions reste la mobilisation de la presse indépendante.
"Ce sujet n’existe pas. C’est une mauvaise plaisanterie", a tonné le leader des insoumis Jean-Luc Mélenchon pour qui la loi sur la presse répond déjà à la diffusion des fausses nouvelles.
L’ancien candidat à la présidentielle s’est en revanche félicité de voir sa proposition de création d’un conseil de déontologie de la presse reprise tout en s’interrogeant sur les suites de la mission Hoog: "est-elle faite pour enterrer le sujet ou pour le servir ?"
Déposées en mars dernier, les deux propositions de loi avaient été adoptées par l’Assemblée mais rejetées par le Sénat sans même être discuter cet été et aucune conciliation n’a pu être trouvée en commission mixte paritaire (CMP). Après le vote de cette nuit, le texte repart au Sénat pour sa dernière navette avant le scrutin final.