Cannes: Maryam Touzani raconte le désarroi des mères célibataires au Maroc

Avec "Adam", son premier film en tant que réalisatrice présenté dans la sélection Un certain regard à Cannes, l’actrice marocaine Maryam Touzani se penche sur le tourment des mères célibataires dans une société qui les considère comme des parias.

Maryam Touzani n’oubliera jamais le jour où une jeune femme sur le point d’accoucher a frappé à la porte de la maison des ses parents à Tanger pour demander du travail, raconte-t-elle dans un entretien à l’AFP.

"Elle avait quitté son village et était sur le point d’accoucher. Ma mère n’avait pas de travail à lui proposer mais elle craignait de la laisser partir… elle n’était pas bien et n’avait clairement aucun endroit où aller", raconte la réalisatrice de 38 ans qui a choisi de situer les scènes d’"Adam", qui raconte une histoire inspirée de cette expérience, dans la médina de Casablanca.

Au Maroc les relations sexuelles en dehors du mariage sont punies par la loi et à l’époque des faits qu’elle raconte, si une femme célibataire accouchait à l’hôpital elle était aussitôt livrée à la police, explique Maryam Touzani.

"La jeune fille était allée frapper à toutes les portes, alors ma mère a décidé de l’accueillir quelque jours jusqu’à ce que nous trouvions une solution. Mais il n’y en avait aucune, elle avait fui sa famille sans rien leur dire", poursuit-elle. La jeune femme a proposé ses services comme femme de ménage et coiffeuse, mais dès que les gens s’apercevaient qu’elle était enceinte ils lui demandaient de partir.

"Alors elle est restée avec nous jusqu’à l’accouchement", explique Maryam Touzani qui explore avec ce premier film le dilemme de ces mères démunies, contraintes d’abandonner leur enfant.

"Elle voulait abandonner son bébé dès sa naissance afin de lui donner une chance d’avoir une vie décente et recommencer la sienne puis devenir de nouveau une femme respectable", relate-t-elle.

"Mais quand le bébé est arrivé les choses n’étaient plus aussi simples, car elle avait accouché pendant un weekend férié et elle devait le garder jusqu’à ce que service d’adoption ouvre. J’étais avec elle alors qu’elle tentait de réprimer son instinct maternel et de mettre de la distance entre elle et son enfant. C’était douloureux de voir ça, cela m’a beaucoup choquée", confie la réalisatrice qui était alors étudiante.

"Petit à petit j’ai vu la carapace se briser et sa souffrance grandir, l’échéance de l’adoption arrivant. L’instinct maternel s’est réveillé malgré elle", se souvient Maryam Touzani dont l’idée de relater cette histoire a surgi alors qu’elle était enceinte. "J’ai compris à quel point cela avait dû être terrible de faire semblant".

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