Brexit: l’unité du Royaume en question

Le Royaume-Uni survivra-t-il au Brexit? Son unité est mise à rude épreuve par la sortie de l’Union européenne et des désirs régionaux d’indépendance amplifiés par la pandémie. Au point de pouvoir voler en éclats, avancent même certains experts.

« A la question de savoir si le Brexit mènera à la fin du Royaume-Uni, c’est certainement possible, et même potentiellement l’issue la plus probable », assène John Springford, vice-directeur du groupe de réflexion Centre for European Reform (CER), interrogé par l’AFP.

Selon l’expert, accord commercial ou non avec les Européens, l’impact du Brexit, réalisé le 31 janvier dernier, accentuera les divisions régionales quand il se manifestera concrètement. C’est à dire dès le 1er janvier, quand le pays aura quitté l’union douanière et le marché unique européen, à l’issue d’une période transitoire ayant neutralisé le choc.

Union de quatre nations, le pays est profondément divisé depuis le référendum de 2016 sur le Brexit. Si l’Angleterre, la plus peuplée, et le Pays de Galles ont voté pour la rupture, l’Irlande du Nord et l’Ecosse ont plébiscité le maintien.

Auprès des indépendantistes de ces deux dernières provinces, le message du Premier ministre Boris Johnson, qui répète à cor et à cri que le Royaume-Uni prospérera une fois qu’il aura définitivement tourné le dos à l’UE le 1er janvier, passe mal.

 

 Effet pandémie

 

En Ecosse, le Brexit a été le catalyseur du fort regain de la cause indépendantiste, question qui semblait réglée après l’échec d’un référendum d’autodétermination en 2014.

Avec ses conséquences humaines et économiques désastreuses, la pandémie de nouveau coronavirus, gérée au niveau des régions, a amplifié le mouvement. La Première ministre locale, l’indépendantiste du SNP Nicola Sturgeon, est créditée d’une gestion robuste de la crise face à un Boris Johnson jugé brouillon, alimentant les envies de couper le cordon ombilical.

« Des périodes de faible croissance ont tendance à accroître la polarisation politique », analyse John Springford. « Vous y ajoutez le Brexit, un gouvernement conservateur très impopulaire dans le nord et le soutien pour l’indépendance devrait croître » encore.

La sécession n’a jamais autant eu le vent en poupe, selon de récents sondages dont l’un, publié mi-décembre, donne le « oui » gagnant à 58%, alors que « non » l’avait emporté à 55% en 2014.

Nicola Sturgeon compte bien capitaliser sur cette popularité pour tenter de remporter les élections pour le Parlement écossais, le 6 mai 2021, et accentuer la pression sur Boris Johnson, qui a catégoriquement exclu d’accorder un nouveau référendum à l’Ecosse.

« Le SNP espère que plus sa performance électorale sera forte, plus il sera difficile pour le Premier ministre britannique de continuer à dire non », relève Nicola McEwen, professeure de politique territoriale à l’université d’Edimbourg.

Rien ne permet toutefois de dire que le dirigeant conservateur cèdera. Et une Ecosse indépendante, intégrée à l’UE comme elle désire, serait contrainte d’abandonner la livre sterling et d’ériger avec l’Angleterre une frontière assez dure pour préserver l’intégrité du marché unique.

Cependant, ces arguments économiques pourraient ne pas faire autant mouche que lors du référendum de 2014. « Le Covid et le Brexit ont rendu moins certaine la sécurité économique procurée par le Royaume-Uni », souligne l’experte.

 

 Référendum nord-irlandais

 

De l’autre côté de la mer, la question de la réunification de l’île d’Irlande est revenue sur le devant de la scène, plus de vingt ans après la fin des « Troubles » ayant ensanglanté la province britannique d’Irlande du Nord.

Jusqu’à l’accord de paix de 1998, républicains catholiques, partisans de la réunification, et loyalistes protestants, défenseurs du maintien dans la Couronne britannique, s’étaient affrontés violemment, faisant 3.500 morts en trois décennies.

Certains voient donc d’un très mauvais oeil le rétablissement d’une frontière post-Brexit avec la république d’Irlande, membre de l’UE, même si Européens et Britanniques veulent la rendre aussi invisible que possible.

En février, arguant que le Brexit avait « changé la donne », la cheffe du parti nationaliste Sinn Fein, Mary Lou McDonald, dont la formation a remporté le vote populaire aux législatives en République d’Irlande, a jugé qu’un référendum sur l’unité de l’île pourrait avoir lieu dans les trois à cinq ans.

Mais pour Dublin, dont la priorité est la paix, « le scénario catastrophe serait une courte victoire pour la réunification, menant à une riposte violente des unionistes », selon John Springford.

Dans le plus discret Pays de Galles également, le parti nationaliste Plaid Cymru a promis un référendum sur l’autodétermination s’il remporte les prochaines élections régionales, un schisme paraissant toutefois improbable à ce stade.

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