Selon le Syndicat national des Magistrats (SNM) qui a lancé le mouvement, la quasi-totalité des juges et procureurs du pays ont cessé le travail depuis dimanche.
Cette grève est inédite dans un corps réputé longtemps docile à l’égard du pouvoir et à qui la loi interdit de cesser le travail.
Elle a été déclenchée par un vaste mouvement de mutations visant 3.000 magistrats –soit la moitié de la magistrature, selon les syndicats–, qualifié de "mainmise du pouvoir exécutif sur le pouvoir judiciaire" par le SNM.
Ces mutations sont "la goutte d’eau qui a fait déborder le vase", après une "accumulation de problèmes socioprofessionnels", a expliqué jeudi le président du SNM, Issad Mabrouk.
"Un jugement équitable n’est possible que si le juge n’est soumis qu’à la loi et à sa conscience", a également souligné le président du SNM, dénonçant implicitement des pressions politiques sur les juges.
Le 24 octobre, des centaines d’avocats ont manifesté à Alger contre la "justice du téléphone", en référence aux instructions qu’ils accusent le pouvoir de donner par téléphone à certains juges.
Ils dénonçaient notamment le placement en détention provisoire ces derniers mois d’une centaine de manifestants, militants et journalistes, inculpés de crimes passibles de dix ans de prison pour avoir simplement porté un drapeau amazigh (berbère) ou pour de simples publications sur les réseaux sociaux.
La grève des magistrats a entraîné mardi et mercredi le report du verdict de deux procès contre 11 manifestants au total, accusés "d’atteinte à l’intégrité du territoire" pour avoir contrevenu à l’interdiction, décrétée par l’armée, des drapeaux berbères dans les manifestations du Hirak, le mouvement de contestation inédit dont l’Algérie est le théâtre depuis le 22 février.
Une partie de la magistrature s’était jointe à la contestation aux premiers mois du "Hirak", mais la justice avait été depuis reprise en main par le pouvoir, incarné par le haut commandement militaire depuis la démission, sous la pression de la rue, du président Abdelaziz Bouteflika début avril.
Tout en assurant que la justice "jouit à présent de toute l’indépendance requise", le chef d’état-major de l’armée, le général Ahmed Gaïd Salah, lui a confié mercredi le soin "de se charger des affaires" visant les manifestants arrêtés, dont il a rejeté par avance toute libération.