A Paris, le difficile procès de Oualid B., jihadiste présumé libéré par erreur
Libéré en avril après l’erreur d’un juge d’instruction, le jihadiste présumé Oualid B. retournera-t-il en détention ? Le parquet a requis jeudi six mois de prison contre cet homme qui était jugé pour être sorti du périmètre que lui ont assigné les autorités.
Mais Oualid B. est surtout connu pour d’autres faits. Il doit être jugé à l’automne aux assises à Paris aux côtés de Reda Bekhaled et de ses frères, soupçonnés d’être impliqués dans un projet d’attentat en 2014 dans la métropole lyonnaise et dans une filière d’acheminement de combattants en Syrie.
Alors qu’il était en prison depuis août 2016 dans l’attente de son procès, il a bénéficié d’une erreur procédurale: un juge d’instruction a oublié de renouveler sa détention provisoire, conduisant mécaniquement à sa remise en liberté le 3 avril et déclenchant une vive polémique. "C’est une erreur grave qui crée des dysfonctionnements inacceptables", a alors critiqué la ministre de la Justice Nicole Belloubet.
Depuis sa libération, Oualid B. est donc suivi de très près par les autorités. Il doit pointer deux fois par jour au commissariat de Meaux, ville dont il n’est pas autorisé à sortir.
Or un policier affirme l’avoir reconnu le 16 mai vers 21H00 au volant d’une Clio bleue en dehors de la commune et alors qu’il n’a pas le permis de conduire. Des photos ont ensuite été retrouvées sur une puce dans son téléphone, montrant des jihadistes avec le drapeau de l’organisation Etat islamique.
Mais jugé en comparution immédiate, il avait été relaxé au bénéfice du doute et avait donc pu repartir libre du tribunal. Le parquet avait interjeté appel.
"Barbe sensiblement identique"
A la barre jeudi, Oualid B. nie avoir pris une voiture et être sorti de Meaux: il affirme avoir passé la soirée du 16 mai chez sa belle-mère puis être allé à la mosquée à pied. Quant aux photos, il n’y serait pour rien. "On m’a passé" la carte il y a plus de deux ans, soutient-il.
Le parquet requiert, lui, 6 mois de prison, la révocation partielle du sursis dans une autre condamnation datant de 2015 et un mandat de dépôt à l’audience.
"J’ai l’intime conviction que Oualid B. était au volant de cette voiture", déclare l’avocate générale. "Il a pris ce véhicule pour se rendre on ne sait pas où, pour voir on ne sait pas qui", ajoute-t-elle, exprimant son "inquiétude de voir cette personne mise en liberté dans une procédure très sensible".
Craignant pour sa sécurité, le policier qui dit avoir repéré Oualid B. a témoigné à l’audience via un procédé d’anonymisation, filmé dans une autre salle, dans l’obscurité et la voix modifiée.
N’a-t-il pas pu le confondre avec le propriétaire de la voiture qui, souligne la cour, a une barbe et une implantation de cheveux "sensiblement identiques" ? Non, répond-il, "formel" et "certain" d’avoir vu Oualid B.
Le propriétaire de la Clio, qui a été assigné à résidence en 2015, nie connaître Oualid B. et lui avoir prêté sa voiture. Où était-il le 16 mai au soir ? Ses souvenirs sont flous.
L’avocat de Oualid B., Karim Morand-Lahouazi, a demandé une nouvelle relaxe. Il le défendra aussi devant la cour d’assises. Oualid B. prépare le terrain: "J’ai passé deux ans en détention. Je ne suis plus dans le même état d’esprit", affirme-t-il devant la cour d’appel.