Les imams des grandes mosquées de France condamnent les jihadistes
Les imams des principales mosquées de France ont condamné lors de la grande prière du vendredi les violences commises au nom de l’islam, deux jours après le carnage au journal Charlie Hebdo, suivi de prises d’otages, qui a bouleversé le pays.
"Nous dénonçons avec la plus grande détermination ces crimes odieux commis par des terroristes, dont l’action criminelle risque de mettre en danger notre volonté de vivre ensemble", a déclaré le recteur de la Grande mosquée de Paris, Dalil Boubakeur.
Il a lancé un appel "solennel" à "tous les musulmans de France" pour participer en masse aux manifestations prévues dimanche en hommage aux victimes de l’attentat mercredi à Charlie Hebdo, qui, avec 12 morts, est le plus sanglant depuis un demi-siècle en France.
Dans les mosquées de quartier, les imams ont dénoncé les jihadistes qui ont affirmé vouloir venger le prophète Mahomet en assassinant les dessinateurs de l’hebdomadaire satirique.
"Les gens qui ont lancé un assaut au nom de l’islam ne sont pas des musulmans (…) Le prophète n’a pas prôné la violence contre les non-musulmans", a déclaré Abdel Qader Achour à la mosquée fondamentaliste Omar Ibn Al Khattab à Paris.
"La France est notre pays, nous y sommes depuis trois ou même quatre générations, nous ne devons pas avoir peur", a encore dit l’imam devant le millier de fidèles assis sur des nattes, dans cette mosquée d’une rue bordée de librairies islamistes.
"A la caricature, nous répondons par la caricature, par un dessin, à un article de presse par un article de presse (…) Mais on ne répond pas avec les armes", a lancé l’imam de la mosquée de l’Union à Montpellier (sud), Mustafa Riad.
A Bordeaux (sud-ouest), l’imam et théologien Tareq Oubrou a exprimé la "colère" des musulmans dont la religion est "confisquée par des fous", des "incultes" religieux, des "déséquilibrés", en marge d’une marche oecuménique dans la ville.
-Crainte d’une résurgence des agressions-
Les représentants de la communauté musulmane craignent que l’attaque de Charlie Hebdo ne provoque une résurgence d’agressions ou de violences visant les musulmans.
Le Premier ministre Manuel Valls a tenu à souligner vendredi que la France était "dans une guerre contre le terrorisme", pas "contre une religion", et le président François Hollande a appelé à "refuser les surenchères, les stigmatisations, les caricatures les plus désolantes".
Depuis mercredi, plusieurs lieux de culte ont été visés par des tirs d’armes à feu ou d’autres projectiles, sans faire de victime.
Quatre coups de feu ont été tirés sur la façade d’une mosquée d’une petite ville d’Albi (sud) et des inscriptions racistes et haineuses ont été découvertes sur la Mosquée de Bayonne (sud-ouest). Vendredi, une tête de porc et des viscères ont été découverts, accrochés à la porte d’une salle de prière musulmane, à Corte, en Corse.
"J’ai peur que ces actes s’amplifient dans les jours à venir", a commenté le président de l’Observatoire national contre l’islamophobie au Conseil français du culte musulman (CFCM), Abdallah Zekri.
"Les musulmans sont pris dans un piège, entre ceux qui tuent au nom de l’islam et des extrémistes qui veulent se défouler sur les musulmans et déversent sur eux leurs discours stigmatisants", souligne-t-il.
Selon les estimations officielles, le nombre de Français candidats au jihad syrien a fortement augmenté en 2014 et serait actuellement de 390 sur place, alors qu’une soixantaine sont morts en combattants dans les rangs des groupes extrémistes.
"Il y a plusieurs millions de musulmans en France, pour la très grande majorité d’entre eux intégrés a la société française", souligne Claude Dargent, professeur de sociologie à Sciences Po à Paris. "Et pour ceux qui ne le sont pas, c’est plus une question de situation économique et sociale que de religion", ajoute-t-il.