Les "Sages" ont rejeté vendredi la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) soulevée par la défense de Nicolas Sarkozy en estimant qu’il pouvait être poursuivi pénalement malgré une sanction financière antérieure intervenue pour les dépenses excessives de sa campagne présidentielle de 2012.
Dans cette affaire, l’ancien chef de l’Etat a été renvoyé en février 2017 devant le tribunal correctionnel pour répondre de "financement illégal de campagne électorale", un délit passible d’un an de prison et de 3.750 euros d’amende.
Il est concrètement poursuivi pour avoir dépassé le seuil autorisé de dépenses électorales de plus de 20 millions d’euros, en dépit des alertes des experts-comptables de la campagne en mars et avril 2012.
Pour contester son renvoi, Nicolas Sarkozy avait brandi le principe du "non bis in idem" selon lequel une personne ne peut pas être sanctionnée deux fois pour les mêmes faits. Selon lui, il avait déjà été sanctionné définitivement par le Conseil constitutionnel en 2013. L’instance avait confirmé le rejet de ses comptes pour ce dépassement, qu’il avait dû rembourser.
Cependant, cette décision portait sur un dérapage, bien inférieur, de 363.615 euros, et était intervenue avant la révélation au printemps 2014 d’un vaste système de fausses factures visant à maquiller l’emballement des dépenses de ses meetings, organisés par l’agence de communication Bygmalion.
Le procès semble désormais inéluctable pour l’ancien président, retiré de la vie politique après sa défaite à la primaire de la droite en 2016. Il reste toutefois une ultime étape: la Cour de cassation, qui avait transmis la QPC aux "Sages", doit tirer les conséquences de leur décision mais aussi trancher sur d’autres moyens soulevés par la défense pour contester l’ordonnance de renvoi du juge Serge Tournaire, confirmée en appel en octobre.
"Grande déception"
"C’est une grande déception", a réagi auprès de l’AFP Me Emmanuel Piwnica, l’avocat de l’ancien chef de l’Etat, insistant sur la "question sérieuse" posée par ce cumul de poursuites et de sanctions. Nicolas Sarkozy est le deuxième président à être renvoyé en procès dans une affaire politico-financière sous la Ve République, après Jacques Chirac (1995-2007), condamné en 2011 dans le dossier des emplois fictifs de la mairie de Paris.
Le 7 mai, les "Sages", réunis autour du président du Conseil constitutionnel Laurent Fabius, mais sans Alain Juppé, ancien ministre de Sarkozy qui s’est "déporté", se sont penchés sur cette question de cumul des poursuites, qu’ils avaient déjà eu à trancher dans des affaires fiscales emblématiques, comme celle de l’ancien ministre du Budget Jérôme Cahuzac.
Dans leur décision, les "Sages" soulignent que, dans le cas de Nicolas Sarkozy, la sanction financière infligée en 2013 et la sanction pénale encourue s’appliquaient à des faits qualifiés "de manière identique", autrement dit au dépassement du plafond autorisé de dépenses de campagne. Toutefois, ils estiment que la sanction financière et la sanction pénale sont de nature différente et protègent des "intérêts sociaux" distincts.
En effet, si la sanction pécuniaire visait à assurer "l’égalité entre les candidats" à l’élection suprême, la répression pénale des mêmes faits entend "sanctionner les éventuels manquements à la probité des candidats et des élus".
"Meetings spectaculaires et dispendieux", accélération du rythme de la campagne: les dépenses s’étaient envolées, atteignant les 42,8 millions d’euros, conséquence d’une stratégie "d’occupation maximale de l’espace médiatique", avait relevé dans son ordonnance le juge Tournaire. Si Nicolas Sarkozy a "incontestablement bénéficié des fraudes révélées par l’enquête", soulignait-il, il n’a en revanche pas été poursuivi pour avoir pris part à la fraude ou pour en avoir été informé.
D’anciens cadres du parti UMP (devenu LR), des responsables de la campagne et des dirigeants de Bygmalion – treize au total – sont pour leur part poursuivis pour "complicité" de financement illégal de campagne et escroquerie ou complicité.
Ces dernières années, Nicolas Sarkozy a dû faire face à une série d’ennuis judiciaires: mis en examen dans l’affaire des accusations de financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007, il est aussi menacé d’un procès dans un dossier de corruption présumée d’un haut magistrat.