Le Premier ministre a exprimé samedi sur Twitter ses "profonds regrets" face à ces refus de visas et assuré qu’il aborderait le sujet lors de sa visite.
Fait rarissime: les radios publiques France Culture et France Inter, ainsi que les quotidiens Libération et Le Figaro ont annoncé vendredi soir qu’ils ne couvriraient pas la visite du Premier ministre et d’une dizaine de ses ministres pour un "comité de haut niveau" qui dure jusqu’à dimanche soir.
France 2 a également décidé de ne pas envoyer de rédacteur pour s’associer à la protestation, mais dépêchera un journaliste reporter d’images pour assurer le "pool", c’est-à-dire faire des images que pourront utiliser d’autres chaînes. "C’est une responsabilité collective par rapport à tous les médias", a expliqué à l’AFP Michel Field, directeur de l’information de France Télévisions.
De même, TF1 n’enverra pas d’"équipe spécifique" contrairement aux autres déplacements de ce type, selon un porte-parole de la chaîne. Celle-ci se réserve la possibilité d’utiliser les images de "pool".
Europe 1 et RTL, tout comme l’AFP et Reuters, couvriront la visite. "Nous comprenons et respectons le mouvement de solidarité avec nos confrères privés de visa. Mais l’AFP se doit d’informer dans le monde entier par respect pour ses clients français et étrangers. C’est sa mission", a expliqué la directrice de l’information de l’AFP, Michèle Léridon.
– ‘Principes d’une presse libre et indépendante’ –
Les rédactions protestent contre la décision des autorités algériennes de ne pas accréditer un journaliste du Monde, en raison de la couverture de l’affaire des Panama Papers par le quotidien, et une équipe du "Petit Journal", émission satirique de Canal+ qui ironise régulièrement sur l’état de santé du président algérien Abdelaziz Bouteflika. Ces refus de visas sont tout aussi rarissimes dans le cadre de voyages officiels.
La colère du pouvoir algérien contre Le Monde remonte à mardi. La une du quotidien du soir montrait alors une photo de M. Bouteflika parmi les dirigeants mis en cause dans le scandale financier. Le journal n’est ensuite ravisé en précisant que le nom du chef de l’État algérien "n’apparaît pas dans les Panama Papers".
Dans la foulée mercredi, le ministère algérien des Affaires étrangères a convoqué l’ambassadeur de France pour lui faire part de son mécontentement.
C’est ce même jour que les autorités françaises ont été informées de l’intention d’Alger de ne pas accorder de visas à deux médias, sur la vingtaine accrédités pour ce déplacement du gouvernement français.
M. Valls, a fait savoir Matignon, a téléphoné à son homologue algérien Abdelmalek Sellal pour tenter d’obtenir la levée de la sanction, mais sans succès.
"Indignée", l’Association de la presse ministérielle a "demandé instamment aux autorités algériennes de réviser leur jugement contraire aux principes d’une presse libre et indépendante".
– Un ministre influent cité dans les Panama Papers –
Cette poussée de fièvre diplomatico-médiatique intervient alors que la relation bilatérale, souvent tumultueuse, traverse une phase d’apaisement depuis l’arrivée de François Hollande à l’Élysée, même si des divergences s’étaient fait jour lors de la visite du chef de la diplomatie française Jean-Marc Ayrault fin mars.
L’affaire pourrait faire passer au deuxième plan des accords économiques que Matignon espère voir finalisés au cours du week-end, dont un accord pour l’implantation d’une usine PSA à Oran, la deuxième ville du pays, afin de desservir le marché automobile local.
Outre plusieurs rencontres entre les différents ministres, la visite devrait également donner lieu à une rencontre entre le Premier ministre français et M. Bouteflika.
Le ministre de l’Économie Emmanuel Macron doit lui rencontrer l’influent ministre de l’Industrie algérien Abdesselam Bouchouareb, qui fait lui bien partie des personnalités mises en cause dans le scandale des Panama Papers.
Selon les révélations du Monde, ce dernier a détenu une société établie au Panama, qui avait pour objet "la gestion d’un portefeuille de valeurs immobilières d’un montant de 700.000 euros, détenu actuellement à titre personnel" par le ministre, selon le quotidien. Pour sa défense, une société de gestion luxembourgeoise a affirmé que cette structure n’avait jamais été "active".