Descendant du prophète Mahomet, le fondateur de la dynastie des Idrissides avait trouvé refuge ici, près de la cité antique romaine de Volubilis, dans le centre du Maroc, après avoir fui Bagdad à la fin du 8e siècle.
Sur la place principale de cette petite ville de 12.000 âmes nichée dans le creux de deux collines couvertes d’oliviers, des confréries soufies défilent sous le regard de badauds et d’une poignée d’officiels installés sur une estrade rouge. Cette procession marque le début du "moussem", un rassemblement estival où ont lieu différentes festivités et oraisons en l’honneur du saint.
"Le pèlerinage du pauvre, c’est pour celui qui n’a pas pu aller à la Mecque, il vient ici sur cette terre sainte pour avoir la bénédiction du petit-fils du prophète Mahomet", explique Fatmi Chbihi, un des "chorfas adarissas" de la ville, la ligue des descendants d’Iris 1er.
Les fidèles récitent à l’unisson des versets coraniques, la main sur le coeur, en se dirigeant vers le sanctuaire recouvert de tuiles vertes. Des maisons blanchies à la chaux accueillent de modestes boutiques proposant bougies pour offrandes et autres articles religieux.
Des affiches déployées dans toute la ville annoncent la participation à l’événement de confréries soufies venues de tout le pays. Tradition ésotérique de l’islam souvent méconnue du grand public, le soufisme tranche avec le formalisme des salafistes, wahhabites et autres tenants d’un islam rigoriste qui considèrent le culte des saints comme une hérésie.
Soufisme, un rdv inontouranable
Le soufisme se veut un chemin initiatique de transformation intérieure où la connaissance de soi conduit à celle de l’autre et à celle de Dieu. Avec des centaines de millions d’adeptes dans le monde, il imprègne la culture populaire de nombreux pays, du Maroc notamment.
Cette tendance mystique de l’islam sunnite connait un regain d’intérêt dans ce pays qui se pose comme le défenseur d’un "islam du juste milieu".
"L’islam pratiqué au Maroc est de rite malékite. Il est ouvert et exempt de tout fondamentalisme", assure M. Chbihi, vêtu d’une djellaba blanche immaculée. "Les zaouïas (confréries) jouent un rôle important dans la promotion de cet islam modéré." Selon lui, le nombre des confréries présentes à Moulay Driss Zerhoun en fait un rendez-vous religieux majeur.
La foule se presse devant le tombeau vénéré. Une pancarte vient rappeler que le site est interdit aux non-musulmans, comme tous les sanctuaires et mosquées du pays.
Un portrait à la gloire du roi Mohammed VI est accroché à l’entrée, devant une arcade blanche d’inspiration arabo-mauresque. Une plaque commémorative de marbre rappelle l’histoire de ce mausolée du 18e siècle, maintes fois réhabilité.
C’est là que l’actuel souverain du Maroc, "commandeur des croyants" dans son pays, s’est rendu après son intronisation, comme l’avait fait avant lui son père, Hassan II.
Dans ce haut-lieu de pèlerinage et de spiritualité, des inscriptions coraniques ornent les murs de céramique, sous un majestueux lustre de cuivre.
Les fidèles s’approchent du tombeau recouvert d’une étoffe de soie dorée, sur laquelle ils posent la main pour demander la Baraka (bénédiction) et les faveurs d’Idris 1er.
Zakaria, un habitant de Salé, une ville voisine de la capitale administrative Rabat située à trois heures de route de là, vient chaque année depuis 16 ans pour ce qu’il décrit comme des "rencontres spirituelles", avec des amis ou des fidèles d’autres régions du Maroc. Ce quadragénaire à la courte barbe, djellaba blanche et tarbouche rouge, "ne raterait pour rien au monde ce pèlerinage qui lui permet de se sentir purifié et spirituellement accompli".
La nuit tombée, les disciples des différentes confréries se retrouvent dans des maisons privées pour des cérémonies nocturnes mystico-religieuses imprégnées de chants et d’invocations divines.
Ce rassemblement annuel permet de "revigorer l’économie locale", se félicite Zakia El Hanaoui, propriétaire d’une maison d’hôtes et guide touristique. "Les hébergements sont pleins, le marché est plein", se félicite-t-elle en vantant la "sérénité qui règne dans la ville" et les bienfaits de ce "tourisme spirituel".