Donald Trump a pour la première fois mardi souhaité la réussite de l’administration de Joe Biden, dans un message d’adieu diffusé à la veille d’une passation de pouvoir organisée dans un pays profondément divisé, traumatisé par l’assaut meurtrier du Capitole.
C’est dans un Washington barricadé et sous haute garde que Joe Biden est arrivé mardi, avant sa prestation de serment prévue mercredi sous le sceau de l’unité.
Hasard ironique, c’est pendant la diffusion de la vidéo d’adieu du président républicain sortant que l’ex-bras droit de Barack Obama a atterri près de Washington.
Sans nommer son successeur, Donald Trump a dit « prier » pour que son administration « réussisse à maintenir l’Amérique en sécurité et prospère ».
Celui qui pendant plus de deux mois a refusé le verdict des urnes en dénonçant des fraudes imaginaires va devenir le premier président à ne pas assister à la prestation de serment de son successeur depuis 150 ans.
Très ému, Joe Biden venait lui de quitter son fief du Delaware en évoquant la mémoire de son fils décédé, Beau Biden, et sa propre mort.
« Eh bien, excusez mon émotion, lorsque je mourrai, Delaware sera écrit dans mon coeur », a déclaré le démocrate, qui deviendra mercredi à midi le 46e président américain, en écho aux paroles de l’auteur irlandais James Joyce.
A 78 ans, Joe Biden sera le plus vieux président américain à prendre ses fonctions.
Il a souligné le choix historique de sa colistière Kamala Harris, qui deviendra mercredi la première femme vice-présidente mais aussi la première personne noire, et d’origine indienne, à occuper cette fonction.
« Ne me dites pas que les choses ne peuvent pas changer. Elles peuvent changer, et elles changent. C’est ça l’Amérique », a lancé le démocrate.
Tous deux participeront en fin d’après-midi à une cérémonie devant le mémorial d’Abraham Lincoln en l’honneur des victimes du Covid-19 aux Etats-Unis, pays le plus endeuillé au monde avec plus de 400.000 morts.
Avant son départ pour la Floride, prévu mercredi matin, Donald Trump pourrait lui encore gracier plusieurs dizaines de personnes.
Dans son message d’adieu, le défenseur de « l’Amérique d’abord » a aussi vanté son bilan économique et en politique étrangère, notamment sa fermeté face à la Chine.
« Je suis tout particulièrement fier d’être le premier président depuis des décennies à ne pas avoir déclenché de nouvelles guerres », s’est targué le président sortant.
Isolé, passant sa dernière journée à la Maison Blanche, il quitte le pouvoir avec une cote de popularité au plus bas.
Camp retranché
Mardi, la capitale fédérale avait des allures de camp retranché.
Les mesures de sécurité entourant la cérémonie d’investiture, prévue à 12H00 mercredi (17H00 GMT), sont exceptionnelles. Quelque 25.000 soldats de la Garde nationale et des milliers de policiers venus de tout le pays seront déployés.
De hautes grilles, parfois surmontées de barbelés, protègent la « zone rouge » entre la colline du Capitole et la Maison Blanche. On est loin de l’ambiance de liesse qui avait envahi Washington après la victoire de Joe Biden début novembre.
Le comité organisateur de la cérémonie a limité le nombre d’invités et, sur l’immense esplanade du « National Mall », où des milliers d’Américains viennent traditionnellement voir leur nouveau président prêter serment, plus de 190.000 drapeaux ont été plantés pour représenter ce public absent.
Depuis le 6 janvier, près d’une centaine de manifestants ont été inculpés pour avoir participé aux violences du Capitole.
Parmi eux, des élus et des membres anciens ou actifs des forces de l’ordre.
Biden marque le contraste
Sur le fond comme sur la forme, Joe Biden entend marquer un contraste aussi net que possible avec son prédécesseur.
Mercredi, celui qui se présente comme un « rassembleur » lancera un message d’unité aux Américains, lors d’un discours de 20 à 30 minutes.
Autre moment d’union à la symbolique forte: Mitch McConnell, chef des républicains au Sénat, sera présent avec lui, à son invitation, lors d’une messe à la cathédrale Saint-Matthieu mercredi matin. Les autres dirigeants du Congrès ont aussi été conviés.
En attendant, le processus de confirmation par le Sénat des ministres désignés par le président élu a commencé mardi, afin que le gouvernement soit au plus tôt en ordre de marche face aux nombreuses crises qui traversent l’Amérique.
Sur le front diplomatique, son futur secrétaire d’Etat, Antony Blinken, a promis de rompre avec quatre années d’unilatéralisme, en « revigorant » les alliances mises à mal sous Donald Trump. Mais le futur chef de la diplomatie américaine a aussi déclaré que le républicain avait « eu raison » d’avoir adopté une position « plus ferme face à la Chine ».
La prochaine secrétaire au Trésor Janet Yellen a elle appelé à « voir grand » dans la réponse à la crise économique provoquée par la pandémie, et à remettre donc à plus tard les préoccupations sur le déficit public.
Le gouvernement sortant a de son côté annoncé d’ultimes décisions, dont la plus spectaculaire est celle du secrétaire d’Etat Mike Pompeo de considérer que la Chine « commet un génocide » contre les musulmans ouïghours.