Le président français Emmanuel Macron a évoqué mardi un « ajustement » des forces françaises au Sahel, huit ans après le début de l’intervention antijihadistes dans la région, affirmant que « les résultats sont là ».
Alors que des voix de plus en plus nombreuses s’interrogent en France sur la poursuite de l’opération Barkhane, Emmanuel Macron a évoqué une possible redimensionnement des troupes françaises sur place (5.100 hommes aujourd’hui).
« Les résultats obtenus par nos forces au Sahel, conjugués à l’intervention plus importante de nos partenaires européens, vont nous permettre d’ajuster notre effort » militaire dans la région, a-t-il affirmé en présentant ses voeux aux armées à Brest (nord-ouest).
Il n’a pas précisé de volume ou de calendrier, mais confirmé ainsi l’intention de réduire la voilure en bande sahélo-saharienne, où la France mène depuis 2013 sa plus grosse opération extérieure.
En janvier 2020, au sommet de Pau (sud de la France), le président français et ses homologues du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger, Tchad) avaient décidé d’intensifier la lutte antijihadiste pour enrayer une spirale de violences. Emmanuel Macron avait envoyé 600 hommes en renfort dans cette région grande comme l’Europe.
« Les renforts temporaires que j’ai décidé de déployer ont permis à la force Barkhane de mettre en grande difficulté des groupes terroristes qui se retrouvent acculés, réduits à des procédés lâches, qui ont atteint nos forces », endeuillées par la récente mort de 5 soldats français au Mali, « mais qui, je le rappelle, frappent d’abord et surtout les civils, sans discrimination », a commenté le président français.
« Enjeux cruciaux pour l’Europe »
Barkhane a depuis remporté d’indéniables victoires tactiques aux côté d’armées locales plus mobilisées, en particulier contre l’Etat islamique au Grand Sahara (EIGS) dans la zone des « trois frontières », aux confins du Mali, du Burkina Faso et du Niger.
Mais les pouvoirs centraux de ces pays, parmi les plus pauvres du monde, peinent à réinvestir ces territoires reculés et à offrir protection, éducation et services de base aux populations.
L’autre groupe jihadiste actif dans la région, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), affilié à Al-Qaïda, propose précisément des alternatives à cette pénurie de services essentiels, espérant conquérir les populations locales. Et il a repris de la vigueur opérationnelle, représentant désormais le coeur de cible des militaires français et maliens.
Pour alléger sa présence, Paris mise beaucoup sur le déploiement d’unités d’élite européennes au sein de la nouvelle force Takuba, chargée d’accompagner l’armée malienne au combat. Créé à l’initiative de Paris, ce groupement de forces spéciales qui rassemble aujourd’hui Français, Estoniens et Tchèques, est le « signe d’une prise de conscience grandissante des enjeux sahéliens qui sont cruciaux pour toute l’Europe », a fait valoir M. Macron.
La France doit officialiser cette première vague de retrait à l’occasion d’un prochain sommet avec les pays du G5 Sahel, en février à N’Djamena. Mais « le cap reste inchangé », a assuré le président, en évoquant l’objectif de « stabilité » du Sahel et la « victoire contre les terroristes ».
Au-delà du rappel des 600 renforts envoyés en janvier 2020, l’Elysée est tenté de réduire plus nettement encore les effectifs de Barkhane d’ici l’élection présidentielle de 2022, soulignent depuis plusieurs semaines des sources concordantes à l’AFP. L’impatience monte en France face à cet engagement long et coûteux, qui a coûté la vie à 50 militaires et peine à être suivi d’effets politiques sur le terrain.
« Bourbier malien »
Selon un sondage publié début janvier, la moitié des Français (51%) ne soutiennent plus cette intervention au Mali. Seuls 49% des personnes interrogées y sont encore favorables, contre 73% en février 2013 et 58% fin 2019.
« La France face au bourbier malien », titrait la semaine dernière l’éditorial du quotidien Le Monde, en soulignant que les opérations menées au Sahel « ont certes mis hors d’état de nuire plusieurs chefs djihadistes, mais n’ont empêché ni la montée des violences entre civils, ni les percées islamistes au centre du Mali ».
Le centre du Mali est pris dans un tourbillon de violences depuis l’apparition en 2015 dans cette région d’un groupe jihadiste mené par le prédicateur peul Amadou Koufa, qui a largement recruté au sein de sa communauté. Les affrontements communautaires se sont multipliées.
Lors de ses voeux, Emmanuel Macron a aussi espéré que l’arrivée du président américaine Joe Biden marquera un « réengagement » des Etats-Unis au Moyen-Orient et « des décisions structurantes » avec « une prise de conscience de la nature de la lutte contre le terrorisme », notamment en Syrie et en Irak.
La France craint une possible résurgence de l’EI en Irak et Syrie.